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facile, si tant est qu’elle soit possible, c’est que les réformes entreprises par la Turquie ne deviendront une réalité qu’à la condition d’un effort immense, d’où dépend au reste l’existence de l’empire ottoman. Il n’est point douteux aussi que le succès de cette transformation tient beaucoup à ce que feront les chrétiens. Le traité du 30 mars peut ne point comprendre textuellement les réformes récemment décrétées ; il fait plus, il consacre et étend la protection morale de l’Europe sur les populations chrétiennes de l’Orient, mises en demeure de s’élever graduellement à une condition plus favorable, peut-être d’accomplir leur destin.

La question des principautés n’est pas moins grave, et elle paraît avoir soulevé dans le congrès des incidens de diverse nature. Le premier touchait à la présence de l’armée autrichienne dans les provinces du Danube. Les ratifications du traité de paix une fois échangées, les soldats de l’empereur François-Joseph devaient-ils, pouvaient-ils occuper encore la Moldo-Valachie ? L’Autriche naturellement aurait incliné à différer sa retraite des principautés. Tant que ces provinces ne seront point réorganisées, la présence de ses troupes lui semblait la plus sûre garantie de la tranquillité publique. D’ailleurs ne serait-il point utile qu’elle restât dans ses pétitions jusqu’à ce que la rectification de frontières qui doit avoir lieu en Bessarabie se trouve accomplie ? Les autres puissances représentées au congrès n’auraient pas moins insisté pour une évacuation immédiate après la paix, et même il aurait été ajouté, à ce qu’on assure, que rien ne serait fait dans les principautés tant qu’un soldat autrichien y serait. Le comte Orlof, de son côté, aurait assez vivement contesté que la présence de l’armée autrichienne fût nécessaire pour surveiller la rectification de frontières, à moins qu’il n’y eût là un doute jeté sur la bonne foi de la Russie. La retraite des soldats de l’Autriche semble donc devoir s’accomplir dans un délai prochain ; mais il reste toujours la difficulté essentielle que le traité n’a pu trancher : l’organisation des principautés. Comme on sait, il y a eu un projet qui aurait répondu à tous les instincts de la race roumaine : c’est la réunion des deux provinces de Moldavie et de Valachie et la formation d’un état neutre, complètement indépendant, sous le sceptre d’un prince européen. Par là une nationalité renaissait, une barrière se trouvait formée entre la Russie et la Turquie. Ce projet n’est point vraisemblablement sans avoir été discuté, peut-être même n’est-il pas tout à fait abandonné ; malheureusement il doit soulever les protestations de la Turquie, la puissance suzeraine de ces provinces. Le gouvernement ottoman, de son côté, avait fait élaborer à Constantinople un règlement pour les principautés. La Turquie semblait peut-être oublier un peu que la guerre, en faisant disparaître le protectorat russe, ne lui avait pas rendu à elle-même une souveraineté absolue sur les provinces du Danube. Les principautés restent telles qu’elles étaient ou auraient dû être, avec leurs immunités, leurs privilèges, et ce lien d’une vassalité plus nominale que réelle qui les rattache à l’empire ottoman. Quoi qu’il en soit, il ne faut point oublier le sens des propositions de paix en ce qui touche les provinces danubiennes. Ces propositions stipulaient que les principautés recevraient une organisation conforme à leurs vœux, à leurs besoins, à leurs intérêts, et que cette nouvelle organisation, pour laquelle la population elle-même devrait être consultée, serait reconnue par les puissances et sanction-