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l’apothéose des grands hommes couronnés par la patrie sera certainement pour les générations futures, comme pour la nôtre, un des plus solides fondemens de la renommée de David. Si la conception, en effet, ne peut être approuvée par ceux qui connaissent notre histoire, si les personnages réunis autour de la France n’offrent aux spectateurs qu’un enseignement incomplet, la beauté, la variété des têtes suffisent à captiver l’attention. Le costume moderne, accepté par David dans toute sa vérité, est devenu sous sa main quelque chose de souple et d’élégant. Sans rien dénaturer, il a trouvé moyen de plaire aux yeux de la foule et de contenter les érudits.

Le problème résolu par David dans le fronton du Panthéon n’est pas de ceux qui attirent les artistes vulgaires. Les difficultés que présente à la sculpture l’uniforme de nos armées auraient découragé un homme moins résolu, et les personnages militaires n’auraient pas de date certaine. Monge, Laplace et Cuvier ne se prêtaient pas plus facilement au travail de l’ébauchoir. David a compris en cette occasion la nécessité d’exprimer sans restriction tous les détails de la réalité, et cette conviction lui a porté bonheur. S’il eût adopté en effet un parti différent, s’il eût essayé de corriger, d’altérer le costume moderne, sa composition n’aurait pas de caractère historique. Je crois donc que le parti choisi par lui était le plus sage. Une pensée dominait son esprit : agir sur la foule et lui rappeler les souvenirs glorieux de 89, les grands principes débattus par la constituante, les victoires remportées par les soldats de la France nouvelle. Pour réaliser une telle pensée, la fidélité du costume était indispensable. En pareil cas, les conditions de l’harmonie linéaire doivent fléchir devant les conditions morales imposées à l’auteur. Je me hâte d’ajouter que David, malgré la fidélité du costume, n’a pas offert à nos regards un ensemble de lignes que le goût réprouve. Si l’on consent à se placer à son point de vue, on arrive à penser qu’il a fait tout ce qu’il pouvait faire. Sans doute le but qu’il se proposait n’était pas la vérité même, il n’avait pas compris d’une manière assez large la destination du Panthéon; mais ce but une fois accepté, la justice nous oblige à dire que David l’a touché.

Les bustes de David ont acquis depuis longtemps une célébrité européenne, et le mérite de ces ouvrages est facile à démontrer. Ils ne se recommandent pas tous par la même pureté, la même simplicité; il n’y en a pas un où ne se révèle une singulière puissance de modelé, pas un qui n’intéresse et n’enchaîne l’attention par un accent individuel. Dans cette série si variée figurent des hommes illustres de toutes les nations, et l’on peut affirmer, sans crainte d’être démenti, que personne parmi les sculpteurs contemporains n’a réussi comme David à exprimer le caractère par la physionomie.