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tation ne sont inconciliables. Non-seulement on peut importer des grains sur un point et en exporter sur un autre, mais on peut, sur les mêmes points, importer dans une saison de l’année et exporter dans une autre avec un double avantage. Les contrées méridionales de l’Europe récoltent et battent plus tôt que nous ; elles peuvent très bien nous envoyer des blés quand les nôtres sont encore sur pied, à la charge d’en recevoir de nous après nos battages. À leur tour, les contrées septentrionales, qui récoltent plus tard, peuvent commencer par nous en acheter pour nous en vendre ensuite. On peut introduire certaines espèces de grains, comme des blés de semence, et en exporter d’autres ; on peut échanger du maïs ou du seigle contre du froment, de la farine contre du grain ; les combinaisons du commerce sont infinies ; quand on y met obstacle, on ne peut savoir ce qu’on fait. À Constantinople, le pain a été un moment l’année dernière plus cher qu’à Paris, non qu’on manquât précisément de blé, mais parce qu’on manquait de moulins pour subvenir au surcroît de consommation qu’avait amené la présence des armées alliées ; l’interdiction d’exportation empêchait la sortie des grains pour aller ailleurs se convertir en farines. Voilà un exemple saillant ; il peut s’en présenter beaucoup d’autres.

La considération fiscale a ici peu d’importance ; je crois cependant que le droit actuel de 25 centimes pourrait être remplacé, sans nuire à l’importation, par un droit fixe d’un franc par hectolitre ; en supposant une introduction moyenne d’un million d’hectolitres, plus que compensée par une exportation supérieure, ce serait toujours une nouvelle recette d’un million.

Pour les laines, la question prend un autre aspect, mais sans rien changer à la conclusion. Si le blé et le bétail étrangers ne fournissent qu’un appoint insignifiant relativement à la masse de la production nationale, il n’en est pas de même des laines. Les laines se transportent plus facilement que le blé et la viande, et à moins de frais proportionnels, il en arrive des régions les plus lointaines. En fait, l’importation est bien près d’égaler chez nous la production ; il est entré en 1855 trente-cinq millions de kilos de laines étrangères, la plupart lavées. Notre production nationale ne doit pas être bien supérieure. Au lieu de plaider contre la liberté commerciale, cette énorme introduction donne un argument nouveau en sa faveur ; elle a en effet coïncidé, non avec une baisse, mais avec une hausse de nos propres laines, et malgré un régime de douanes qu’on avait cru rendre prohibitif, tant il est vrai que toutes ces combinaisons qui veulent dominer les faits et les besoins n’aboutissent qu’à des résultats illusoires ! Le droit de 30 pour 100 à l’entrée des laines étrangères avait été établi dans le même temps que le droit excessif sur le bétail et sur le blé, et dans la même pensée, pour enchérir artificiellement les