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proximité de ses colonies, et elle se conforme à cet instinct invincible du siècle qui aspire entraîner tous les peuples, même des plus inconnus, dans un mouvement commun.

Dans cette rude et laborieuse carrière de la politique, tous les peuples ne marchent point d’un pas égal. L’Espagne pour sa part est toujours à la veille ou au lendemain de quelque agitation, sans cesse occupée à désirer à poursuivre une paix que les passions conspirent à rendre impossible ou du moins à retarder singulièrement. C’est un mal devenu, presque chronique, et qui se réveille de temps à autre, sur un point ou sur l’autre, avec un caractère plus aigu. L’insurrection, qui a éclaté récemment à Valence n’est qu’un symptôme de plus de cette situation Dans une des premières et des plus populeuses villes de la Péninsule, le sang a coulé pendant plusieurs heures le 6 avril, et même l’ordre n’est encore que très imparfaitement rétabli. La conscription, a été le prétexte de l’émeute. Au fond c’est un mouvement qui se préparait depuis quelque temps déjà dans les diverses provinces de la côte. Le parti révolutionnaire avait compté d’abord faire coïncider sa tentative avec le l’établissement de l’impôt des consumos. Ce dernier prétexte ayant manqué par suite de l’adoption d’une autre combinaison financière, les révolutionnaires ont saisi l’occasion du recrutement, et c’est le jour du tirage au sort que le conflit a éclaté, dans Valence. Il y a un fait très propre à caractériser l’état actuel de l’Espagne : une partie de la milice nationale s’est jetée dans l’émeute ; les miliciens ont été les principaux insurgés. Barricadés dans les maisons qui bordent les rues étroites de cette ville restée à demi arabe, ils ont fait feu sur la troupe, et le capitaine-général a été obligé à son tour d’employer le canon. Cette lutte n’a fini qu’à la nuit, et encore a-t-elle cessé moins par la défaite de l’émeute que par une sorte d’armistice que le général Villalonga a été forcé d’accepter faute de moyens suffisans pour vaincre complètement la rébellion. C’est dans cette attitude, sinon d’hostilité flagrante, du moins d’observation, que l’autorité régulière et l’insurrection sont restées pendant quelques jours, jusqu’à ce que le gouvernement, ait eu le temps d’expédier de nouvelles forces et d’envoyer un des membres du cabinet, le général Zavala, comme capitaine-général en commission à la place du général Villalonga, qui a été destitué. La révocation du général Villalonga, mesure malheureuse dans ce premier moment, parait avoir été le résultat d’une erreur. On a accusé l’ancien capitaine-général de Valence, qui est un des plus vigoureux et des plus fidèles soldats de l’Espagne, d’avoir faibli devant l’émeute, lorsqu’il n’avait eu d’autre tort que de se trouver avec des moyens insuffisans en face d’une situation dont il avait fait connaître au gouvernement tous les dangers. Toujours est-il que le général Zavala est arrivé dans ces conditions à Valence, et comme il amenait des troupes nombreuses il a eu facilement raison de ce reste d’insurrection. Matériellement, l’autorité des lois a été rétablie, le tirage au sort a eu lieu sans nouveau conflit ; mais il y a loin de là à l’ordre véritable et complet. Rien ne l’indique mieux que les mesures prises par le général Zavala. Le ministre d’état, aujourd’hui capitaine-général en commission de Valence, a été obligé de désarmer la milice nationale, d’envoyer à Cadix un des chefs de cette milice, de dissoudre la