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drapeau. Les whigs marchaient avec un sourire ironique à la suite de Wellington et de Peel ; parmi les tories, les uns s’éloignaient d’eux avec tristesse ou avec colère ; les autres les suivaient avec inquiétude : « Peel n’a pas de reins, disait-on ; il ne sait pas faire tête à ceux qui le poussent. » M. Peel semblait lui-même quelquefois un peu embarrassé de sa situation ; soit nécessité, soit dessein, il ne poursuivait pas vigoureusement, dans l’administration de l’Irlande, les conséquences libérales de l’émancipation des catholiques ; il laissait aux orangistes tout leur pouvoir ; il prenait soin que le duc de Wellington demeurât bien, aux yeux du public, le chef du cabinet, comme pour se mettre à couvert sous un nom plus imposant que le sien. Le pouvoir était inerte et chancelant au milieu de ses triomphes.

La révolution de 1830 en France vint mettre au jour cette situation et en presser les conséquences. Au premier bruit qui en parvint à Londres, quand on n’y savait encore que les ordonnances de juillet : « Que faut-il penser de ceci ? » demanda quelqu’un au duc de Wellington. — C’est une nouvelle dynastie, répondit le duc. — Et quel parti prendrez-vous ? — D’abord un long silence, puis nous nous concerterons avec nos alliés pour agir. » Le duc de Wellington pressentait bien l’avenir de la France, et mal sa propre conduite dans son pays. Quand l’événement fut accompli et complètement connu, une sympathie vive et générale éclata en Angleterre ; des hommes prudens s’inquiétaient, des tories rigoureux blâmaient ; mais le sentiment public tenait peu de compte des scrupules et des alarmes. C’étaient les principes, c’étaient les exemples de la révolution de 1688 que venait de pratiquer la France ; l’Angleterre applaudit avec enthousiasme ; le mouvement national l’emporta sur les dissidences de parti et sur les inquiétudes du pouvoir. À ce moment même, les embarras du cabinet Wéllington-Peel avaient redoublé ; il servait un nouveau roi, Guillaume IV venait de monter sur le trône ; il attendait un nouveau parlement ; trois jours avant la révolution de juillet, la chambre des communes avait été dissoute. Le duc de Wellington ne put « ni garder un long silence, ni attendre pour se concerter avec ses alliés. » Il s’empressa de reconnaître la nouvelle monarchie française, acceptant, devant la nouvelle chambre des communes qu’élisait l’Angleterre, la responsabilité de la nouvelle politique où l’entraînait cette adhésion.

Il en sentit bientôt tout le poids. Peu avant la mort de George IV, M. O’Connell avait proposé, dans la chambre des communes, la réforme parlementaire la plus radicale, les parlemens triennaux, le suffrage universel, le scrutin secret. Une immense majorité avait repoussé sa proposition, mais la réforme était restée à l’ordre du jour ; une motion de lord John Russell demandant à la chambre