Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être prévenues qu’à une condition, c’est que le crédit commanditaire reste toujours subordonné aux mouvemens régulateurs du crédit commercial ; mais cette subordination serait difficile, si un établissement exclusivement consacré au crédit commanditaire parvenait à en concentrer dans ses mains toutes les ressources, et, toujours appliqué à les grossir, était par sa constitution même constamment exposé à empiéter sur celles du crédit commercial.


Notre seconde objection à l’absorption de la puissance commanditaire dans une société anonyme établie comme le Crédit mobilier, c’est que sa constitution l’entraînerait à propager jusqu’à un excès abusif la forme de la société anonyme. La société générale de Crédit mobilier ne peut en effet, d’après ses statuts, commanditer que des sociétés anonymes, et comme il est dans sa nature, ainsi qu’on l’a vu par le rapport de son président, de créer beaucoup d’affaires, elle est destinée à multiplier indéfiniment le nombre des sociétés anonymes. Nous ajournons à une autre partie de ce travail la discussion approfondie de la question des sociétés anonymes. Dans les circonstances actuelles, il est peu de questions aussi délicates et aussi graves que celle-là au point de vue économique, au point de vue politique et au point de vue social. Nous nous bornerons à rappeler en ce moment les traits caractéristiques de la société anonyme. La responsabilité de cette société est bornée à son capital ; elle est administrée, dans les limites de ses statuts et sous l’autorité souveraine en principe des actionnaires, par des mandataires nommés par les actionnaires et révocables : les actionnaires, en qui réside le pouvoir souverain, sont en quelque sorte anonymes aussi, puisque les actions sont généralement au porteur ; ce pouvoir souverain est par conséquent mobile et variable ; le lien qui attache ceux qui le possèdent à la propriété sociale, au lieu d’être permanent, n’est qu’accidentel, et, à peine formé, peut être rompu à tout moment. Il est évident, au point de vue économique, qu’une pareille forme de société n’est point convenable à toutes les entreprises de commerce et d industrie. Elle s’adapte très bien à certains services spéciaux, fonctionnant d’eux-mêmes pour ainsi dire ; elle est impropre aux affaires à la direction desquelles il faut le coup d’œil pénétrant, l’initiative prompte, l’activité vigilante et résolue qui caractérisent l’esprit d’entreprise à la fois stimulé par l’intérêt personnel et contenu par le sentiment de la responsabilité. L’association anonyme, à responsabilité limitée, convient également aux entreprises qui s’élèvent au-dessus de la concurrence des intérêts individuels, parce qu’elles ne sont pas à la portée des ressources privées, et qu’elles exigent des capitaux que l’association seule peut fournir : c’est là ce