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Crédit mobilier ne seraient pas seulement gagées par la somme correspondante de valeurs acquises, elles auraient de plus la garantie du capital de la société, qui aurait été porté à cette intention au chiffre considérable de 60 millions.

Le rapport du chiffre du capital à la somme représentée par les obligations serait en effet une condition de sécurité pour celles-ci, s’il était suffisant. C’est en examinant de près si ce rapport est réellement suffisant que l’on est frappé de l’imprudence qu’il y aurait pour la société à user de la faculté que lui donnent ses statuts d’étendre à dix fois la somme de son capital l’émission de ses obligations. D’abord il ne faut point oublier que, comme garantie, le capital de 60 millions ne s’applique point entièrement et exclusivement aux obligations. Ce capital est la garantie de tous les engagemens de la société, et les obligations ne peuvent participer à cette garantie qu’au prorata de leur importance relative, eu égard aux autres engagemens du Crédit mobilier. Ceux qui résultent des opérations commanditaires de la société n’ont point de limite assignée par les statuts ; ils peuvent par conséquent prendre une importance considérable. Ceux qui résultent des dépôts en comptes courans ont une limite fixée au double du capital social, limite qu’ils ont déjà presque atteinte ; ces dépôts peuvent s’élever à 120 millions. En ne tenant compte que de ceux-ci, la garantie offerte aux obligations sur le capital du Crédit mobilier se trouve déjà diminuée d’un cinquième : ce ne seraient plus les 60 millions du capital qui répondraient tout entiers aux obligations de la dépréciation des titres qui leur serviraient de gage. La garantie du capital afférente aux obligations ne représenterait plus le dixième, elle ne formerait qu’un peu moins du treizième de celles-ci. Pour que cette garantie fût entièrement absorbée et que les porteurs d’obligations eussent à supporter tout le poids d’une dépréciation ultérieure, que faudrait-il ? Une simple baisse de 8 pour 100 sur les valeurs. Or une pareille baisse est bien loin d’être un accident extraordinaire. Une différence de 8 pour 100, et même plus forte, entre les hauts cours et les bas cours des valeurs s’est plusieurs fois produite dans ces dernières années. Le 3 pour 100, la valeur régulatrice, dont le plus haut cours en 1853 s’est élevé à 82,15, est descendu, dans le dernier trimestre de la même année, à 71,70 ; la même valeur, qui dans le dernier trimestre de 1854 était montée à 76, 35, est tombée, à la dernière liquidation de 1855, aux environs de 63, subissant ainsi, à un an d’intervalle, une dépréciation de 17 pour 100. On voit donc que le capital du Crédit mobilier n’est pas proportionné à la somme des obligations qu’il est autorisé à émettre, et qu’il n’offre point aux obligations une garantie suffisante.

Ainsi l’obligation du Crédit mobilier ne saurait être une valeur