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de circulation comme le billet de banque, et, comme valeur de placement, elle est inférieure aux actions et aux obligations de chemins de fer ; elle réunit les inconvéniens de chacune de ces valeurs et n’a aucun de leurs avantages respectifs ; elle est soumise aux risques que courent les actions sans avoir l’éventualité de leurs dividendes progressifs ; elle est réduite au médiocre revenu fixe des obligations de chemins de fer, sans avoir comme celles-ci, pour la certitude de ce revenu, la garantie d’un gage réel et d’une hypothèque dont la valeur intrinsèque est bien supérieure à la créance à laquelle elle est affectée.

L’obligation du Crédit mobilier, lorsqu’on en analyse la valeur intrinsèque, présente des conditions d’infériorité réelle relativement aux titres analogues qu’ont répandus les combinaisons financières des entreprises de chemins de fer. Il n’est point impossible que cette infériorité ne soit un obstacle réel au facile placement de ces obligations le jour où l’on tentera de les émettre. Cependant ces obligations sont le couronnement nécessaire de la conception du Crédit mobilier, et l’on n’embrasserait pas le système qui a inspiré la création de cet établissement, si l’on ne supposait vaincues les difficultés pratiques qui s’opposent à l’émission de ses obligations, et si, par la pensée, on ne se représentait l’influence qu’une pareille ressource lui permettrait d’exercer. D’ailleurs l’hypothèse du succès de l’émission des obligations du Crédit mobilier n’est point gratuite. Les causes qui ont fait échouer, il y a quelques mois, l’émission des 240,000 obligations que le Crédit mobilier voulait émettre sont des causes accidentelles. On n’a point opposé à cette émission des objections tirées du fond même des choses. Le gouvernement n’allégua dans le petit article du Moniteur qui arrêta l’opération que des raisons tirées de l’état de la place, déjà chargée de valeurs, et qu’on ne voulait pas dans les circonstances actuelles surcharger de valeurs nouvelles ; mais au milieu de circonstances plus favorables, avec la paix, dans un moment où nous serions délivrés de la calamité des mauvaises récoltes, où la confiance serait ranimée, où la spéculation s’enflammerait, à la faveur de cette indifférence qui nous déshabitue autant de la discussion de nos intérêts que de celle de nos droits, qui peut croire que l’opération essayée en 1855 ne réussirait point ?


Supposons donc le succès, supposons les 1,200,000 obligations du Crédit mobilier émises.

Le produit de ces obligations, si elles étaient émises comme celles des chemins de fer un peu au-dessous de 300 fr. et amortissables à 500 fr. dans le cours de la durée de la société, mettrait à la disposition du Crédit mobilier une somme peu inférieure à 360 millions. Ce serait