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que M. Mantell a rapporté à l’ordre des batraciens. Cette découverte toute récente a coïncidé à peu près avec celle d’empreintes de pas trouvées par M. Logan dans le Haut-Canada, à la base même du terrain silurien, et que M. Owen avait cru d’abord pouvoir rapporter à des tortues. L’examen de nouvelles empreintes plus parfaites l’a fait depuis revenir sur sa première opinion, et il les rapporte aujourd’hui à des crustacés. Ce deuxième jugement a un peu refroidi l’empressement avec lequel on avait opposé à la théorie du développement progressif des êtres cette découverte, faite dans les couches les plus anciennes où l’on ait trouvé des fossiles, de restes de reptiles antérieurs à des restes de poissons ; mais cette antériorité, lors même qu’elle eût été réelle, aurait simplement prouvé qu’on n’a pas le droit de ranger les poissons et les reptiles dans une série continue, dont ceux-ci seraient les termes supérieurs. Ces deux séries se sont développées concurremment et avec des fortunes diverses : il se peut bien qu’il y ait eu déjà des tortues à une époque où n’existaient sans doute que des poissons analogues à nos amphioxus, qui ne pouvaient laisser dans les terrains aucune trace de leur existence. Toutefois le règne véritable des poissons a été la période paléozoïque, et en particulier la période dévonienne. Le règne des reptiles, dont la série peut, dans l’ensemble de ses caractères, être considérée comme supérieure à celle des poissons, n’est venu que plus tard. C’est dans cette succession seulement qu’il faut chercher le véritable progrès naturel.

Il n’y a que peu d’années qu’on a découvert dans le terrain carbonifère quelques restes de reptiles, en Bavière, dans le bassin houiller de Saarbrück, et en Pensylvanie ; ceux du terrain permien[1] ne sont guère plus nombreux, et ce n’est que dans le trias qu’ils commencent réellement à se montrer. C’est à cette époque que vivait ce formidable batracien à tête de crocodile, dont les pattes laissaient sur la vase une empreinte presque semblable à celle d’une main humaine ; mais c’est au début de la période jurassique que les reptiles devinrent extrêmement abondans. On en trouve parfois des squelettes entiers, parfaitement conservés. Ces grands sauriens ou crocodiles de la mer, aux pattes converties en nageoires, étaient aussi forts et agiles que voraces ; leurs longues mâchoires étaient hérissées de dents aiguës ; leur œil mobile se retournait en tous sens dans une cavité beaucoup plus grande que lui, et leur permettait de guetter facilement leur proie. Les plus puissans avaient le cou assez court, mais la tête énorme ; les autres avaient une tête beaucoup plus petite,

  1. Ainsi nommé parce qu’il a été reconnu pour la première fois dans le gouvernement de Perm, en Russie.