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greffés à la mamelle de leur mère, et qui de nos jours habitent la Nouvelle-Hollande en si grande abondance. L’analogie entre la faune et la flore de ce vaste continent et celles des terrains jurassiques est une des particularités les plus singulières qui le caractérisent : il semble qu’il ait presque échappé depuis cette époque si reculée à l’action des révolutions du globe, et sa composition géologique dans les parties où elle est connue semble jusqu’ici le prouver. Les terrains secondaires manquent dans la Nouvelle-Galles du Sud, et pendant que les terrains jurassique et crétacé se formaient au fond des mers en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique, les formations paléozoïques d’Australie demeuraient à sec ; depuis, elles n’ont été recouvertes sur une partie que par une frange mince de terrains tertiaires.

Avec l’époque tertiaire commence l’ère des mammifères : sauf quelques représentans des autres familles, on trouve surtout à l’origine une abondance extraordinaire de ces animaux, à cuir épais, que l’on nomme pachydermes. Dans le terrain : gypseux parisien, on n’en a pas compté moins d’une quarantaine d’espèces, dont quatre seulement ont leurs analogues dans l’Amérique méridionale, dans l’Inde et dans la colonie du Cap. Cette tribu si nombreuse habitait les vastes jungles, les marécages, les plaines basses, le bord des rivières et des lacs de l’époque tertiaire. Les travaux mémorables de Cuvier ont attaché une grande célébrité à quelques-uns de ces animaux. Le paléothérium, à formes assez épaisses, intermédiaire entre les rhinocéros et les tapirs, avait une large tête terminée par une petite trompe ; sa taille variait singulièrement d’une espèce à l’autre, depuis celle d’un cheval jusqu’à celle d’un mouton ou même d’un lièvre. Il faut citer encore l’anoplothérium aux formes plus élancées, de la grandeur d’un âne, le lophiodon, plus analogue encore aux tapirs que les précédens, l’anthracothérium, plus voisin du cochon.

La série des pachydermes forme un groupe aussi nombreux que nuancé, dont le développement s’est poursuivi sans aucune interruption. Les éléphans ont eu, pour précurseurs les mastodontes ou mammouths, dont les restes se retrouvent en Europe, mais abondent surtout dans l’Amérique du Nord et la Sibérie, où certaines régions en sont littéralement couvertes. Dans la vallée de l’Ohio, les fermiers trouvent, en fouillant le sol, des squelettes entiers du mastodonte géant, et tout le monde sait qu’on a déterré en Sibérie des individus encore couverts de leur peau et d’une laine mélangée de poils raides et durs. Après les mastodontes ont apparu les éléphans proprement dits, les rhinocéros, qui les accompagnent toujours et dans le crâne desquels l’imagination populaire crut quelquefois retrouver un débris du fameux roc des Mille et une nuits, — une foule d’animaux