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de la nature, comme on juge mieux les lignes générales d’un palais en s’éloignant assez pour que les ornemens et les détails se fondent dans la simplicité de l’ensemble.

La succession des types organiques et leur ordre de prédominance ne fournissent-ils point l’indice d’un progrès véritable ? Ne voyons-nous point des êtres de plus en plus parfaits saisir, si on peut s’exprimer ainsi, l’empire de la création, et imprimer à la nature vivante les traits les plus frappans ? En même temps la nature inorganique perd peu à peu les caractères de monotonie et de simplicité des premiers âges, les continens se découpent, les terres s’articulent, pour employer une heureuse expression de M. de Humboldt ; des chaînes de montagnes, des massifs, des crêtes, des cimes de plus en plus aiguës s’élèvent au-dessus des plaines, des plateaux et des vallées, les climats se localisent, la terre se divise en provinces naturelles de mieux en mieux définies.

Quelles que soient les découvertes futures de la paléontologie, — et l’immensité du champ qu’elle explore ne peut laisser aucun doute sur leur nombre et leur importance, — nous possédons dès à présent des résultats que la science moderne a déjà, ce semble, placés au-dessus de toute contestation. Nous savons d’une part que les formes sous lesquelles la vie se manifeste ont subi de fréquentes modifications, et d’autre part que ces modifications ont été surtout provoquées par les révolutions violentes qui ont bouleversé notre globe et inauguré de nouvelles conditions physiques. On a cru pendant assez longtemps que ces grandes catastrophes avaient été peu nombreuses, et c’est en obéissant peut-être involontairement à cette croyance non raisonnée qu’on avait à l’origine divisé toute l’immense série des couches géologiques en un très petit nombre de groupes. Nous en avons la preuve dans ces expressions vagues de terrains primitif, secondaire, tertiaire, que l’on continue à employer par habitude et à cause de leur simplicité.

Des travaux plus approfondis ont dans ces derniers temps amené les géologues à des décompositions, à des divisions de plus en plus multipliées. Les terrains que l’on comprenait autrefois sous le nom commun de terrains de transition ont été de nos jours, si on peut le dire, analysés, et de ce chaos confus l’on a vu sortir des groupes bien distincts et déterminés. Le même travail reste à compléter pour d’autres terrains, et l’on pourrait citer particulièrement les terrains tertiaires et ces dépôts si étendus que l’on confond sous le nom général de diluviens, et dont l’origine variée et les divisions naturelles sont encore si obscures. Ce n’est pas à un petit nombre de révolutions que sont dues les formes de la surface actuelle du globe, les complications des contours et du relief des îles et des continens. M. Elie de Beaumont compte déjà, dans l’Europe seulement, plus de