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direction du libéralisme exalté, c’est-à-dire de l’école politique dont le programme était la négation la plus absolue du sien. Il avait tacitement reconnu que les seuls intérêts dont, à défaut du principe légitimiste, l’infant rebelle aurait pu se faire un point d’appui sérieux, se trouvaient, dès cette époque, ou rassurés, ou éteints, ou neutralisés : je parle des intérêts aristocratiques et ecclésiastiques.

Lors de sa première explosion, qui eut un caractère insurrectionnel, le libéralisme portugais, faute d’un vocabulaire et d’un corps de doctrine à son usage, avait adopté, sans penser à mal, la langue et le mot d’ordre des autres insurrections du temps. Le clergé et l’aristocratie purent le croire, sur parole, radicalement niveleur, et une notable portion de celle-ci, celui-là presque en masse s’étaient rejetés, par instinct de conservation, du côté de dom Miguel ; mais après avoir vu, au fort même des emportemens provoqués par le sanguinaire despotisme du prétendant, en voyant encore, au bout de dix années d’oscillations qui avaient successivement appelé à l’œuvre chartistes et septembristes, la révolution s’obstiner à reconnaître les titres nobiliaires, dont pour son propre compte elle se montrait très friande, — respecter les majorats existans, à la seule exception de ceux dont le revenu était inférieur à 1,000 francs, exception qui pouvait, à la rigueur, passer pour une nouvelle avance au principe aristocratique[1], — proclamer le catholicisme religion de l’état,— donner pour pendant à l’élément démocratique de la chambre élective une pairie héréditaire dont faisaient de droit partie les membres de la grandesse et de l’épiscopat, — force fut aux plus défians de s’avouer que cette révolution ne venait dévorer ni nobles ni prêtres. À tout prendre, et vu l’ascendant qu’ils gardent en Portugal sur les masses, la noblesse et le clergé avaient politiquement plus gagné que perdu au nouveau régime, car la charte, après les avoir reconstitués en influence indépendante et privilégiée dans la chambre des pairs, leur fournissait encore, par l’exiguïté du cens électoral[2], un puissant moyen de pression sur la chambre élective. Le vieil orgueil nobiliaire en particulier ne trouvait pas moins son compte à un système qui, après avoir confirmé les majorats et l’hérédité des titres pour l’ancienne aristocratie, retirait courtoisement l’échelle entre

  1. Dans les anciennes cortès, l’ordre de la noblesse avait réclamé contre l’érection des petits majorats. Voyez, par exemple, dans la Colleccâo de Cortes publiée en 1824 par l’académie des sciences de Lisbonne, la consulte du 5 avril 1698.
  2. Pour être électeur du premier degré, aux termes de la charte de dom Pedro, et pour concourir directement à l’élection des députés, aux termes de l’acte additionnel de 1882, il suffit de justifier d’un revenu de 100,000 réis (environ 600 fr.), provenant soit de biens immeubles, soit de capitaux, soit d’une profession commerciale ou industrielle, soit d’un emploi quelconque, la domesticité exceptée.