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l’essentiel ; la question d’administration ne vient qu’après la question de conquête. La seconde c’est que les intéressés y trouvent leur compte. La très petite propriété, par cela même qu’elle ne suffit pas aux besoins du cultivateur et que celui-ci est obligé de compléter ses ressources par les salaires du dehors, implique en effet un avantage qui compense l’exagération relative des frais généraux : elle réalise les conditions privilégiées d’une industrie dont le capital d’exploitation ne resterait jamais inactif, puisque ce capital, qui n’est ici que le travail personnel du propriétaire, s’en va, son effet produit, chercher emploi chez le voisin[1]. La preuve que l’ancien journalier a réellement gagné à devenir très petit cultivateur, c’est qu’au lieu de retomber dans la pauvreté, il s’élève très rapidement à un nouveau degré d’aisance. Le signe indicateur le plus sûr de la pauvreté ou de l’aisance des classes inférieures, c’est leur tendance plus ou moins marquée à tirer profit du travail des enfans, et cette tendance doit rapidement décroître en Portugal, si nous en jugeons par le mouvement des écoles primaires, qu’ont fréquentées 70,000 enfans en 1849, — 80,000 en 1851, — 91,000 en 1853. C’est une progression bis-annuelle d’un septième, c’est-à-dire dix ou douze fois plus rapide que le mouvement même de la population. — Si de l’instruction publique je passe aux douanes, je trouve, d’autre part, que pour ceux des produits étrangers dont l’importation reflète le plus directement le degré d’avancement d’une population sous le double rapport du comfortable de la vie et des commodités du travail, je trouve, dis-je, que pour ces produits le chiffre total des mises en consommation avait presque exactement doublé en 1850, comparativement à 1843[2].

  1. C’est par l’alliance de la petite propriété avec le travail industriel, c’est-à-dire avec les salaires du dehors, que les paysans des Flandres étaient arrivés à une aisance proverbiale. C’est par la cessation de ce cumul que les Flandres tombèrent, en une dizaine d’années, dans ce paupérisme effroyable où les surprit la disette de 1846-47.
  2. 2,571 contos de réis en 1843 contre 5,094 contos en 1850. L’augmentation, a été d’un sixième pour l’article vitrifications, de plus du quart pour les denrées coloniales, de plus du tiers pour l’article bois. Pour les métaux, la mise en consommation a plus que triplé. C’est à dessein que nous avons omis dans ce relevé les tissus. La frontière de terre n’est, d’un bout à l’autre, qu’un vaste entrepôt de cotonnades et de lainages anglais que la contrebande introduit en petites quantités, mais sans relâche et par vingt points à la fois, sur le marché espagnol. Les chiffres de la statistique douanière n’ont donc aucune valeur en ce qui concerne les tissus en question, attendu que cette contrebande parcellaire a dû être confondue plus d’une fois, et dans des proportions très variables, avec les mises en consommation. Il n’est pas moins évident que la consommation du drap et de la cotonnade, qu’on peut classer parmi les objets de première nécessité, a dû s’accroître aussi bien que celle des denrées coloniales par exemple, qu’on peut à la rigueur considérer comme articles de luxe. Ajoutons qu’à l’égard du seul tissu qui ne prenne pas la route de Portugal pour arriver en Espagne, — les soieries, — la consommation s’est accrue de plus de 7 pour 100.