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la mettre dans celles du parti conservateur, qui garde l’espoir de régénérer le pays sans passer encore à travers les épreuves de l’anarchie. Il croyait qu’amener les gouvernemens européens à intervenir, à faire quelque chose pour le bien de l’Italie, c’était diminuer l’influence des partis violens. C’était un calcul habile et hardi, et peut-être les plénipotentiaires autrichiens, en refusant d’entrer dans toute discussion, ont-ils servi ce calcul. Ils ont autorisé M. de Cavour à dire dans sa note que l’Autriche n’avait pas même voulu accepter l’examen des moyens propres à remédier à l’état de l’Italie. Quoi qu’il en soit, le Piémont a pu se faire écouter au nom de l’Italie ; il a fait entendre sa voix à la péninsule entière. C’est certainement une situation favorable qu’il doit à la guerre. On ne peut se dissimuler cependant que cette situation a ses périls, et qu’après la hardiesse il y a pour le Piémont un autre devoir : c’est celui de la modération. Qu’il n’aime point l’Autriche soit, — l’Autriche le sait sans nul doute ; mais il y a une limite au-delà de laquelle la politique du cabinet de Turin deviendrait une périlleuse chimère, et M. de Cavour est assez habile pour éviter le piège.

Quant à la partie des conférences qui concerne les abus de la presse en Belgique, cet incident a semblé sur le point de prendre des proportions singulières. Des interpellations ont eu lieu dans le parlement de Bruxelles, et le ministre des affaires étrangères, M. le comte Vilain XIIII, a déclaré avec une solennité particulière que le cabinet ne consentirait jamais à un changement dans la constitution. Cependant les paroles du ministre des affaires étrangères de la Belgique étaient plus simples et plus sages que des commentaires trop prompts ne le laissaient croire. M. le comte Vilain XIIII était très fondé à dire que rien ne lui avait été notifié, et c’est ce qui paraît être encore la vérité. Seulement peut-être aurait-il mieux valu alors ne point annoncer qu’on avait déjà rédigé une réponse. De plus, le ministre des affaires étrangères belge a bien déclaré qu’il ne consentirait jamais à un changement dans la constitution ; mais dans une note du journal officiel il se réserve le droit de proposer des modifications dans la loi sur la presse. En y regardant de près, un peu de calme n’eût-il pas été plus utile qu’une émotion trop prompte ? Par le fait, il ne serait point impossible que cet incident ne finît par exercer quelque influence sur les élections qui auront lieu prochainement en Belgique. Il se pourrait bien que le parti catholique eût quelque avantage, que le cabinet actuel, trop engagé par ses paroles, se retirât, et qu’un ministère nouveau, présidé par M. de Muelenaere, vînt, dans les limites tracées par la constitution, proposer quelques mesures législatives pour réprimer les excès de la presse. Le meilleur remède encore, ce serait que la presse, éclairée enfin, se réprimât elle-même, et ne mît pas ses passions en balance avec les plus sérieux, les plus légitimes intérêts.

Le premier effet de l’établissement de la paix en Europe a été de suspendre ce travail universel d’armement poursuivi jusqu’au jour où les négociations ont laissé apparaître quelque lueur favorable. En France, comme en Angleterre et en Russie, la même pensée s’est traduite par des actes semblables. Diverses mesures sont venues ramener notre armée à un chiffre plus régulier et surtout moins dispendieux, supprimer des régimens dont la création avait été nécessitée par la guerre, réorganiser quelques autres corps dans