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promptement que la Sardaigne, si son concours avoué ne nous eût exposés à la suivre avant notre heure sur un champ de bataille où il ne fallait s’aventurer qu’avec mille précautions.

La politique du roi de Suède s’est montrée généreuse et hardie. Aujourd’hui que la guerre est terminée, chacun peut juger si cette politique a été prudente. Quelle situation nouvelle la paix récente fait-elle à la Suède, et quels nouveaux rapports lui a-t-elle créés en vers l’empereur de Russie ?

En premier lieu, le brillant espoir de reconquérir la Finlande a été déçu. Il est clair que le traité de Paris ne pouvait offrir à la Suède aucun accroissement de territoire au détriment de cette province, dont la guerre avait seulement touché les côtes. En second lieu, la Russie a été offensée. La France et l’Angleterre laissent-elles la Suède sans défense contre ses futurs ressentimens ? Non. Le traité du 21 novembre a garanti publiquement son intégrité contre toute agression ouverte ou cachée de la Russie. Cette assurance a été solennellement donnée en présence de toute l’Europe, et aucune limite de temps n’est venue en restreindre la valeur. Si le traité de Paris ne l’a pas lui-même inscrite, c’est que, passant sous silence ceux des faits déjà accomplis, celles des conventions déjà conclues qu’il ne modifiait pas expressément, il venait évidemment s’ajouter au traité du 21 novembre et non pas l’effacer. C’est, on n’en peut douter, par une raison toute semblable que le traité de Paris ne dit pas non plus un seul mot sur le règlement des frontières du Finmark norvégien. La Russie s’est engagée envers le cabinet de Stockholm à fixer prochainement, d’accord avec lui, ces frontières, et le bruit qu’on a fait des envahissemens russes de ce côté, joint à la garantie promise par l’Occident précisément à cette occasion, répond suffisamment qu’il ne s’élèvera pas, du moins prochainement, de difficultés à ce sujet. Enfin le traité de Paris satisfait au vœu principal des Suédois en disposant que « les îles d’Aland ne seront pas fortifiées, et qu’il n’y sera maintenu ni créé aucun établissement militaire ou naval. » Il conjure ainsi pour toujours un danger que Charles-Jean avait vu grandir à ses portes sans pouvoir y porter remède.

Garantie perpétuelle des puissances occidentales, fixation définitive des limites du Finmark, assurance de n’avoir plus à redouter, dans les îles situées en avant de Stockholm, une citadelle ou une station russe, voilà donc ce que recelait pour la Suède ce fameux cinquième point, dont quelques publicistes suédois voulaient reculer si loin les limites, afin d’y faire entrer, avec la possession des îles Aland, celle de la Finlande, qui seule confirme la première, puis l’union des trois royaumes du Nord, puis le l’établissement de la Pologne. Le gouvernement suédois n’allait pas si loin sans doute ; mais il a pu regretter