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Ruysch. Le musée d’histoire naturelle est une des plus magnifiques collections qui existent en Europe. Des troupeaux de squelettes appartenant aux différens ordres de la nature, chaque famille zoologique représentée par une profusion de sujets, des masses d’oiseaux aux mille couleurs empaillés avec art et auxquels il ne manque vraiment que le ramage, des légions de mammifères qui ont conservé le mouvement de la vie dans l’immobilité même, tout cela fait regretter que ces belles galeries soient si vides et si abandonnées. À la tête de l’institution figurent cependant des savans tels que MM. Temminck et Schlegel, dont le nom a franchi les étroites limites de la Hollande. Dans cette collection, qui échappe à l’analyse par la richesse des détails, j’ai recherché surtout ce qu’a produit pour la zoologie néerlandaise le commerce avec les colonies. Jusqu’ici, par exemple, on ne connaissait guère que deux espèces d’éléphans : celle d’Asie et celle d’Afrique. Les rapports des Hollandais avec Sumatra les ont mis à même de déterminer une troisième espèce qui forme la transition entre les deux autres. Un souvenir tout national a encore été conservé ; c’est le teredo. Le teredo est un ver, ni plus ni moins. Au siècle dernier, cet insecte des mers tropicales fut apporté en Hollande, selon toute vraisemblance, dans la charpente de quelque navire. Le ver, en s’attaquant aux pilotis qui soutiennent les digues menaçait de détruire la puissance séculaire de ces ouvrages, qui résistent aux marées et aux tempêtes. La consternation fut générale. Les digues rongées, c’était la Hollande sous l’eau. L’existence de la vieille Batavie avec ses richesses lentement accumulées, ses ports, ses villes, son commerce, était donc mise en question, et par qui ? par un insecte presque invisible. Heureusement un hiver rigoureux survint, et le teredo mourut. On voit dans le musée de Leyde quelques morceaux de bois déchiquetés par ce cruel parasite, qui fut, Dieu merci ! arrêté à temps dans ses mauvais desseins contre les Pays-Bas.

La nature animale n’est pas la seule qui soit représentée dans la ville de Leyde. Il existe un jardin des plantes qui peut soutenir la concurrence avec tous les jardins scientifiques du monde. Un grand nombre d’arbres indigènes et exotiques font de ce beau lieu d’étude une délicieuse promenade. Grâce aux soins d’une culture habile, quelques végétaux étrangers ont été cédés par le ciel heureux de l’Orient au climat humide et froid de la Batavie. En été, les professeurs donnent dans le jardin des leçons de botanique. Ce qui distingue la science néerlandaise, c’est qu’elle s’éclaire et se réchauffe au soleil de l’Inde. Le directeur de l’Herbarium, autre établissement riche en plantes sèches, a séjourné neuf années à Java. M. Blume, Allemand d’origine, a écrit en hollandais et en latin plusieurs ouvrages