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les prix des valeurs, et ils ne négligent aucune des combinaisons à l’aide desquelles ils peuvent se parer. Les spéculateurs d’occasion au contraire n’agissent que sur une seule donnée ; emportés par une idée fixe, ils font irruption en désordre et sans discipline sur un terrain qui leur est inconnu, dans une sorte de guerre dont ils ignorent la tactique. On les a appelés assez plaisamment les bachi-bouzouks de la spéculation. Les charges intempestives de ces bachi-bouzouks créent parfois de sérieuses difficultés aux spéculateurs de profession, dont elles compromettent le jeu en l’exagérant et en lui imprimant des saccades désordonnées. C’est ce qui est arrivé à la fin de l’année dernière, lorsque les premiers bruits de paix amenèrent à la Bourse une avalanche de gens du monde trop tôt et trop bien informés.

Nous arrivons enfin à la classe la plus puissante des personnes intéressées aux opérations de bourse, aux banquiers et aux grands capitalistes qui font valoir leurs fonds dans le commerce des valeurs.

Les banquiers et les grands capitalistes qui trafiquent des valeurs réunissent en eux les conditions des diverses classes que nous venons de passer en revue. Comme les détenteurs sérieux de titres, ils ont parfois besoin de vendre des valeurs ; comme les détenteurs de capitaux, ils ont parfois besoin d’en acheter pour faire des placemens ; de même que les petits spéculateurs au comptant, leur affaire est d’acheter dans les bas prix et de vendre dans les prix élevés ; seulement, comme ils agissent avec de plus grandes quantités de valeurs ou des fonds plus considérables, ils peuvent tenir de liquidation en liquidation la partie des grands spéculateurs de profession et des petits spéculateurs d’occasion. En définitive, toutes les opérations de la spéculation, les opérations à terme et à prime, viennent se résoudre, à chaque liquidation, en opérations au comptant. À chaque liquidation, les opérations en sens contraire de vente et d’achat qui sont engagées à la Bourse se compensent pour la plupart, mais celles qui ne s’annulent pas par compensation doivent se régler par des livraisons de titres et des paiemens en espèces. À ce moment-là, le marché à terme rejoint le marché au comptant et se trouve ramené aux conditions de celui-ci, c’est-à-dire se ter mine en baisse, si les besoins d’argent chez les détenteurs de titres sont plus pressans que les besoins de placemens en valeurs chez les détenteurs de l’argent, et se termine en hausse, si c’est le contraire qui a lieu On comprend sans peine la grande influence que les riches banquiers et les puissans capitalistes peuvent à ce moment exercer sur le marché. Ce sont eux qui possèdent les grandes réserves de titres et les grandes réserves de capitaux. Ils sont souvent en position de faire la loi à la spéculation qui opère sans titres