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les sentimens généreux traduits dans une langue harmonieuse, n’était, à proprement parler, qu’un éloquent plaidoyer. Les esprits les plus complaisans y chercheraient en vain les élémens d’une véritable comédie.

M. Ponsard, en écrivant la Bourse, a-t-il changé de méthode et révélé des facultés nouvelles ? a-t-il remplacé les argumens par des personnages, substitué l’action à la dissertation ? Ses amis les plus ardens n’oseraient l’affirmer. Ils s’empressent de louer l’élégance du style, la clarté du langage, la fidélité des portraits ; ils négligent de vanter le dessin des caractères et l’intérêt de la fable, et cette omission mérite d’être signalée. M. Ponsard compte de nombreux amis dans tous les rangs de la société : son début dans la carrière dramatique a été marqué par un éclatant succès, et chacun sait que l’heureuse fortune encourage les amitiés. Il n’a pas besoin d’être défendu, puisqu’il a réussi. On se souvient à peine de ses excursions malheureuses dans le domaine de l’antiquité, on oublie l’accueil fait à Horace et Lydie, on oublie l’étonnement et la froideur de l’auditoire aux représentations d’Ulysse. On se rappelle Lucrèce, l’Honneur et l’Argent, et personne ne songe à évoquer l’ombre malheureuse d’Agnès de Méranie. M. Ponsard est donc placé dans une excellente condition pour obtenir l’attention et la sympathie. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, il est sûr d’être écouté. Il n’a pas à redouter l’indifférence, encore moins la défiance. Chacun rend justice à la noblesse des sentimens qui l’animent, à la grandeur de la cause qu’il défend, et ce n’est pas un médiocre avantage. A-t-il profité de la position qui lui était faite par les succès de Lucrèce, de Charlotte Corday, de l’Honneur et l’Argent ? a-t-il montré les dangers de la spéculation sous une forme comique ou dramatique ? Son œuvre, nouvelle marque-t-elle un progrès ? Y a-t-il dans la comédie qui s’appelle la Bourse une action, des personnages ? Ces questions, négligées par les amis de M. Ponsard, ne peuvent être éludées.

L’auteur a-t-il examiné sous toutes ses faces le sujet qu’il se proposait de traiter ? Je me permettrai d’en douter. Il y a dans cette donnée un côté dramatique, un côté comique. Or, si l’on prend la peine d’étudier la marche de l’action, de suivre les développemens de la fable, d’épier la conduite des personnages, on arrive à reconnaître que le côté dramatique est indiqué, tandis que le côté comique n’est pas même effleuré. Cette affirmation, qui semble sévère, quand on se borne à l’énoncer, n’étonnera personne quand j’aurai apprécié tous les élémens dont se compose la comédie nouvelle. Le jeu est à bon droit considéré comme la plus dangereuse de toutes les passions, puisqu’il réduit à néant les plus hautes facultés, les sentimens les plus généreux. Prenez l’homme le mieux doué, l’intelligence