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La méthode qu’il a suivie n’éveille donc en moi aucune surprise. Reste à savoir si au théâtre comme ailleurs la hardiesse n’est pas souvent le meilleur des calculs.

Aller vers le public et lui répéter ce qu’il a déjà entendu, lui épargner la peine de comprendre une pensée qu’il ignoré, n’est pourtant pas le moyen le plus sûr d’atteindre à la renommée. Amener le public à soi, transformer son indolence en attention, lui inspirer le goût des aventures dans le domaine intellectuel, l’attirer vers les choses qu’il ne connaît pas, ou qu’il a tout au plus entrevues, me paraît plus sage dès qu’il s’agit, non pas de réussir aujourd’hui ou demain, mais de laisser une trace glorieuse de son pas sage. La Bourse a réussi. Est-il bien sûr que dans dix ans le public s’en souvienne ? Il n’a rien appris en l’écoutant, il n’aura pas de peine à l’oublier. Voilà ce qu’on gagne à se placer dans le courant des idées populaires.

Le style de la Bourse est moins élégant et moins pur que celui de l’Honneur et l’Argent. M. Ponsard manie facilement la langue poétique, et c’est à cette heureuse faculté qu’il doit sans aucun doute la meilleure partie de ses succès. En écoutant sa dernière comédie, on dirait qu’il a voulu se dispenser de tout effort sérieux. Il y a dans Lucrèce, dans Charlotte Corday, des pages écrites avec fermeté, avec franchise, que les hommes de goût se plaisent à relire. J’ai tout lieu de penser que la Bourse ne deviendra jamais un sujet d’étude pour ceux qui aiment à voir la pensée se produire sous une forme animée. Je n’approuve pas au théâtre l’usage fréquent du langage lyrique : je sais trop ce qu’il nous a valu ; nous avons entendu des odes, des élégies, qui se donnaient pour des personnages ; la splendeur des images avait remplacé l’action. M. Ponsard a compris le danger de cette méthode, et s’est proposé de réagir contre l’envahissement du monologue : c’était une sage résolution, à laquelle tous les bons esprits devaient applaudir ; mais il fallait s’arrêter à temps dans cette réaction, et je crois qu’en écrivant la Bourse, M. Ponsard a dépassé le but. Oui sans doute, il ne faut user qu’avec une extrême réserve du langage lyrique toutes les fois qu’on s’adresse à la foule assemblée pour assister au développement d’une action. Les personnages mis aux prises doivent s’exprimer familièrement, et ne jamais oublier qu’ils ont devant eux un interlocuteur. Cependant le style familier n’est pas nécessairement le style prosaïque, et je regrette d’avoir à dire que la comédie nouvelle pourrait accréditer cette confusion. Je ne veux pas m’arrêter aux incorrections purement grammaticales, qui ne relèvent pas du goût. Je me borne à signaler le caractère prosaïque du dialogue. Pour se dérober au danger des images, pour échapper aux tentations de la forme lyrique, l’auteur ne quitte guère le terrain que les