Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’université de Leyde présente surtout un intérêt littéraire et scientifique. À Utrecht, nous allons rencontrer l’élément religieux. La vieille Néerlande, avec son orthodoxie sévère et étroite, nous attend au seuil de cette académie, qui brille encore, quoique d’un éclat affaibli. Le mouvement théologique tient d’ailleurs une trop grande place, aujourd’hui même, dans la vie intellectuelle et morale des Pays-Bas, pour que l’université d’Utrecht n’offre pas un vaste champ d’observations.


II

Utrecht est une assez grande ville, avec des canaux profonds et encaissés, auxquels les maisons voisines communiquent par des conduits souterrains, — une tour, le Domtoren, du haut de laquelle on découvre un paysage immense et vingt villes, — d’anciens remparts, aujourd’hui convertis en une promenade délicieuse et qu’entoure une ceinture d’eau. L’air y est plus pur et plus léger que dans les autres cités de la Hollande proprement dite. Le vieux Rhin s’y partage en deux bras, mais faibles et languissans. Utrecht a perdu ses célèbres fabriques de velours ; il lui reste de beaux magasins de nouveautés. Les caves qui s’étendent sous les quais, le long de l’eau, sont assez vastes pour servir d’entrepôts et pour se prêter à des exploitations industrielles. La physionomie de la ville est triste, surtout les jours de repos. L’observation du dimanche s’est beaucoup relâchée à La Haye, à Rotterdam, à Amsterdam, de l’ancienne sévérité calviniste ; il n’en est pas de même à Utrecht. Ce jour-là, on voit se diriger vers les services religieux des figures puritaines qu’on ne rencontre guère ailleurs, et qui semblent des évocations d’un autre temps. Utrecht est une ville historique. À Leyde, nous avons trouvé le souvenir du duc d’Albe et de Philippe II ; ici, nous rencontrons à chaque pas la mémoire de Louis XIV. La lutte que les Provinces-Unies soutinrent contre la France a laissé surtout des traces dans les édifices religieux. La grande église du Dôme, cette forêt de pierre si curieusement coupée en deux par un coup de vent, changea, si l’on ose ainsi dire, plusieurs fois de Dieu, selon les vicissitudes de la guerre. À l’arrivée des Français, les murs de l’édifice hérétique furent exorcisés ; les statues de saints furent remplacées dans les niches vides ; les processions oubliées parcoururent la ville. Puis, par un de ces retours qui atteignent même les bienheureux, les statues bénites tombèrent de nouveau, et l’autel disparut. Les Hollandais du XVIIe siècle ne négligèrent rien pour surexciter le sentiment national contre l’invasion étrangère. Les récits et les gravures du temps retracent avec une énergie sauvage les actes d’atrocité auxquels se livraient les soldats de Louis XIV. Il est permis