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s’apaise, quoique lentement ; mais il reste un triomphe de plus pour la doctrine religieuse qui rendit à la Néerlande, en des temps difficiles, la victoire et la liberté.

La ville d’Utrecht est, par son université, le siège de l’orthodoxie protestante. Il nous faut expliquer la valeur de ce mot dans des bouches hérétiques. La guerre venait de finir. La révolution politique s’était assise sur la révolution religieuse. Les Provinces-Unies sortaient régénérées de la grande lutte qui divisait alors l’Europe en réformés et en catholiques. On a demandé pourquoi la Néerlande se fit calviniste au lieu de s’arrêter, comme l’Allemagne, sa voisine, aux doctrines de Luther. La raison de ce fait est toute dans la guerre de l’indépendance ; les Pays-Bas voulaient, en se séparant, mettre le plus grand intervalle entre eux et la cour de Rome, qu’ils accusaient d’avoir prêté la main à la domination de l’Espagne. S’il se fût trouvé dans le mouvement de la réforme un chef de secte plus résolu que Calvin les Hollandais l’eussent adopté. Cependant la liberté d’examen ne tarda point à susciter des dissidens parmi les dissidens eux-mêmes. Arminius, professeur à l’université de Leyde, soutint contre Gomar, qui occupait une chaire dans la même académie, une de ces luttes théologiques pour lesquelles s’enflammaient alors les imaginations les plus froides. La Hollande religieuse se trouva ainsi déchirée en deux doctrines rivales. L’élément civil intervint ; mais les partisans d’Arminius adressèrent aux états-généraux une requête et des observations, d’où leur vint le nom de remontrans. Les états-généraux n’avaient rien de mieux à faire que de renvoyer la décision à un synode. Ce synode fut convoqué en 1618 dans la ville de Dordrecht[1]. Toute la chrétienté protestante y envoya des députés. Une gravure du temps représente cette assemblée historique : les pères du nouveau concile, figures longues et austères, pourvues de barbes vénérables, y traitèrent des intérêts très graves pour l’époque. Il s’agissait de ressaisir une espèce d’unité au milieu du naufrage des anciennes croyances. Le synode dura six mois et tint cent cinquante-deux séances. Après des discussions longues et ténébreuses sur la prédestination, sur la liberté humaine, sur l’influence plus ou moins irrésistible de la grâce divine, le président déclara que « les miraculeux labeurs du synode avaient fait

  1. Dordrecht est une des plus anciennes villes de la Hollande. Si l’on en croit la tradition, confirmée d’ailleurs par de récentes études géologiques, cette ville aurait subi un déplacement bien extraordinaire. Lors de la terrible inondation qui en 1421 força les digues, la ville de Dordrecht, avec ses édifices publics et ses maisons, se serait transportée d’un lieu à un autre. Ce phénomène s’explique par la nature du terrain. La ville étant bâtie sur une couche d’argile, cette couche aurait glissé sur la masse de tourbe qui forme la base du sol.