Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/758

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

galop et douze à pied, sans manger. N’ayant pas la force de souper, je m’étendis dans mon hamac et m’endormis bientôt en rêvant solitudes, taureaux et mustangs.

En dépit des mésaventures, ces excursions avaient leur intérêt. Je vis l’incendie d’une prairie, ce spectacle que les romanciers représentent comme terrible et beau. Je fus un peu désenchanté. Les fermiers brûlent chaque année l’herbe sèche afin de détruire les insectes et de : préparer une récolte fraîche et nouvelle. La flamme et la fumée courent avec une rapidité qui ne leur permet pas d’avoir rien d’imposant. La nuit, ce long ruban rouge et brillant qui va si vite est assez curieux ; mais le feu ne s’élève jamais au-dessus de quelques pieds. Les reptiles y échappent aisément en se cachant dans des trous. On a peint les animaux comme épouvantés par ces incendies, s’enfuyant tout effarés et poussant des hurlemens d’effroi ; c’est fort exagéré : j’ai vu des chevreuils paître tranquillement à quelques mètres de la flamme, et, quand elle arrivait sauter par-dessus. Les troupeaux de bœufs et de chevaux s’en éloignent sans frayeur, ou sautent par-dessus comme les chevreuils. Pendant une quinzaine de jours, les plaines brûlées ont un aspect désolé et triste ; mais s’il vient un peu de pluie, la verdure perce de tous côtés les cendres blanches et noires, et pare la terre d’un nouveau printemps.

Les curiosités naturelles abondent dans cette partie du Texas. À Braunfels, un riche Allemand, M. Claupeubaoh, possède de belles collections ; quoique protestant, il me reçut avec une grande affabilité. Après m’avoir fait les honneurs de son musée, il me conduisit aux sources de la rivière qui traverse la ville, et qui met en mouvement des scieries et des moulins. Ces sources sont fort belles : elles sortent d’une colline, parmi les rochers, dans un bouquet de bois ; le volume d’eau qu’elles fournissent ne remplit pas moins de quatre pieds en profondeur et vingt-cinq en largeur ; l’eau est très claire et du goût le plus agréable. Dans le lit desséché d’un torrent, au fond d’une gorge profonde fermée par de hautes roches calcaires, je vis des cristallisations très curieuses, je trouvai un gros silex blanc si pur et si brillant que je le pris pour du cristal de roche, et un morceau d’aimant de la grosseur d’un œuf de poule. Sur les plateaux, on remarque des cristallisations violettes qui ressemblent à des améthystes, des fleurs très belles et très rares qui bravent les chaleurs excessives. On voit un monticule conique et oblong qui a tous les caractères d’un soulèvement volcanique, phénomène que j’ai rencontré même en des prairies, où les pierres étaient généralement inconnues.

Cette vie de voyages était douce et tranquille, comparée aux épreuves terribles que nous apporta le choléra. L’épidémie faisait