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pouvoir arriver à être centenaires. L’auteur admet encore qu’après l’âge ordinaire de 100 ans, la vie de l’homme peut se prolonger au double. Il cite l’exemple de Parr, qui vécut 152 ans et mourut d’accident, puis celui de Jenkins, qui arriva à 169 ans et qui fut appelé un jour à rendre témoignage sur un fait dont la date remontait à 140 ans. On lui consacra une pierre tumulaire dans l’église de sa commune natale, et j’ai récemment montré à l’Institut son portrait dans une vieille gravure, qui fut regardée avec empressement par toutes les personnes présentes à la séance.

M. Flourens indique les circonstances physiologiques qui lui servent à fixer la durée des divers âges dans la vie de l’homme ; j’omets ici les termes techniques. Il y a bien du temps que j’ai oublié mes études anatomiques et physiologiques avec Magendie, Un candidat (le candidat est toujours au moins bienveillant, sinon flatteur, pour l’académicien dont il demande la voix), un candidat, dis-je, me rappelait que nous avions assisté ensemble aux leçons expérimentales de l’illustre maître, et me demandait si j’avais continué à suivre les progrès de la physiologie depuis cette époque. Je lui répondis que j’étais en physiologie de la même force que l’était M. Ampère aux échecs, c’est-à-dire que je n’étais d’aucune force[1]. Qu’il me soit permis cependant, malgré mon incompétence, d’insister, d’accord avec M. Flourens, sur la force vitale qui réside en chaque individu, et qui fait que la santé n’est pas un état incertain et instable toujours prêt à faire place à la maladie. Non, l’être vivant a été sagement organisé pour sa conservation, et s’il survient quelque dérangement, il tend à reprendre sa condition normale et fixe, qui est la santé. Je

  1. Il faut savoir que ce profond savant avait quelques prétentions à bien jouer ce que Delille appelle
    … le jeu rêveur qu’inventa Palamède.
    Il consultait un jour en ces termes un naïf employé du Café de la Régence : — Vous êtes de première force aux échecs ? — Oui, monsieur ; mais il y a encore deux ou trois personnes qui sont au-dessus de moi. — Quels sont ceux de deuxième force ? — MM. tels et tels. — Et ceux de troisième force ? — L’employé désigne un grand nombre de personnes sans y comprendre M. Ampère. — Et moi ? dit timidement celui-ci, de quelle force suis-je ? — Oh ! vous, monsieur, repartit le candide interlocuteur, vous n’êtes d’aucune force. — Or voici le sens moral de mon récit : c’est d’arriver, à propos d’échecs, à rectifier l’énorme bévue faite par mon apprenti-géomètre, et dont j’ai très étourdiment endossé la responsabilité dans l’étude sur les calculs transcendans (*). En additionnant tous les grains de blé de chaque case, on trouve : 18,446,744,073,709,551,615 grains, lesquels, à raison de 1,800,000 grains par hectolitre, donneraient 10,248,191,152,000 hectolitres, qui, à 10 francs seulement l’hectolitre, vaudraient 102,482 milliards. Voici la rectification qui m’a été indiquée par plusieurs correspondans bénévoles, que je remercie sincèrement.
    {*) Voyez la Revue du 1er mai.