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réformateurs est en effet de formuler un type du christianisme propre à la Néerlande. Leur théologie repose, comme celle des orthodoxes, sur l’histoire du protestantisme batave mais ils arrivent à des conclusions tout à fait contraires. On se demande seulement si une doctrine qui se sépare des dissidens eux-mêmes sur des points si essentiels est encore une théologie, ou bien une philosophie masquée de formes chrétiennes. Nous avons parlé des ténèbres dans lesquelles s’enveloppe cette école : une telle obscurité ne tient pas seulement à la nature des matières ni à l’influence du génie allemand ; elle est encore la conséquence, nous le craignons, d’une confusion d’idées. Les théologiens de Groningue veulent associer deux termes à peu près inconciliables, le rationalisme et le surnaturalisme. De là résulte une direction fertile en inconséquences, contre lesquelles ils se débattent au milieu des ombres.

La voix de cette école philosophique ou hétérodoxe a des échos dans les chaires de l’église protestante nationale. Cette influence ne s’appuie point sur les classes inférieures, où les formules étroites, mais fermes et précises de l’orthodoxie comptent au contraire de nombreux adhérens ; la force morale de cette doctrine de liberté repose sur la classe moyenne. De jeunes et ardens prédicateurs agitent dans tous les Pays-Bas le drapeau du nouveau protestantisme, qu’ils prétendent d’ailleurs conforme à l’histoire nationale des idées religieuses. À les entendre, ce ne sont point eux qui se détournent de la voie droite ; c’est le synode de Dordrecht qui s’est écarté de l’esprit de la réforme. La science a d’ailleurs fait des progrès depuis cette assemblée célèbre dans les fastes de la Hollande, et il faut marcher avec la science. À la tête du mouvement se placent M. Meyboom, pasteur à Amsterdam et M. Zaalberg, pasteur à La Haye. Leur élection rencontra une vive résistance dans ces deux villes de la part du consistoire. Enfin ils furent nommés. Le jour de leur installation, M. Meyboom et M. Zaalberg prononcèrent, l’un dans l’église d’Amsterdam, l’autre dans l’église de La Haye, à la même heure et sur le même thème, un discours qui commençait par ces mots : « Nous venons vous annoncer Jésus-Christ, rien que Jésus-Christ. » Les deux frères d’armes s’étaient évidemment donné le mot, et ils continuent de marcher à peu près dans la même voie. D y a quelque temps, le roi de Hollande se trouvait un dimanche dans la ville d’Amsterdam. M. Meyboom devait prêcher ce jour-là ; c’était son tour. Le roi délibéra pour savoir s’il se rendrait au temple et s’il consacrerait en quelque sorte par sa présence un enseignement hétérodoxe. Il ne tarda point à se décider pour l’affirmative. Cet hommage, rendu moins aux doctrines suspectes du prédicateur qu’à la tolérance religieuse et à la souveraineté de l’opinion, qui avait