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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/120

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le moins fait pour le disciple servile et qui le prend à la lettre ; il l’égare. Et, pour parler à sa manière, on ne craindrait pas de dire que le disciple qui s’attache aux termes mêmes de De Maistre et le suit au pied de la lettre est bête. La bête a l’inconvénient de ne venir jamais seule… » Les disciples de M. Stahl rédigent à Berlin la Gazette de la Croix.

Tandis que le parti des hobereaux, exploitant à sa façon une victoire qu’il n’avait pas remportée, gagnait chaque jour du terrain à force d’arrogance et d’audace, tandis qu’il prenait plaisir à irriter, à scandaliser la conscience publique par mille outrages à l’esprit moderne, le vrai vainqueur, l’homme qui avait le plus intrépidement lutté contre l’anarchie, M. de Hinckeldey, se donnait noblement un rôle nouveau en face d’une situation nouvelle. Cette victoire de l’ordre, obtenue par la force, devait être consolidée par des victoires morales. Ce n’était pas assez d’avoir dompté l’insurrection, il fallait ramener les cœurs, éclairer les esprits, effacer les vieilles haines, il fallait surtout décourager le socialisme en prenant l’initiative du bien et des améliorations fécondes. C’est la tâche que s’imposa le directeur général de la police. M. de Hinckeldey n’était pas un préfet de police ordinaire, il ne songeait pas seulement à réprimer le mal, mais à produire le bien. Son esprit organisateur, sa fertile et bienfaisante activité lui assuraient un rôle supérieur à ses fonctions. Bien qu’il n’eût pas rang de ministre, il avait su, en réalité, se créer à lui-même un ministère, le ministère de l’action et du progrès social.

La même transformation s’opérait dans la sphère des idées ; ce contraste que je viens de signaler entre l’arrogance des hobereaux et les généreux efforts du directeur de la police éclatait plus visiblement encore entre les publicistes de la réaction féodale et les esprits distingués qui avaient le mieux servi la cause de l’ordre intellectuel et moral. M. de Bunsen avait été, à l’heure des crises de la science, en face du matérialisme et de l’impiété, l’un des plus dignes soutiens de la philosophie religieuse. Les corps-francs de l’athéisme une fois anéantis, M. de Bunsen ne voulut pas que ce triomphe profitât au parti des ténèbres. Il se hâta de prendre en main la cause sacrée de la liberté de conscience, car, voyant bien que le panthéisme était toujours là, qu’il infectait encore les intelligences et exerçait dans l’ombre ses séductions grossières, il avait compris qu’on ne réussirait à conjurer le péril que par un large et puissant développement de la vie chrétienne. Et comment ranimer la vie chrétienne ? comment rendre à la pensée évangélique sa vertu et son efficace ? La liberté seule le peut. Tel fut le système de M. de Bunsen. Ces Joseph de Maistre du protestantisme qui prêchaient si effrontément