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qui lui crée mille embarras, et qui, en soulevant contre elle des haines trop légitimes, fournit aussi un abri commode aux conspirations démagogiques.

Oui, ce sont là de grands faits ; il faut se défier pourtant de l’aventureuse ardeur que peut exciter chez certains esprits cette renaissance matérielle de l’Autriche. On se préoccupe beaucoup à Vienne de l’état des finances. Dans les cercles et dans les salons, il n’est pas une conversation sérieuse où ne reparaisse à tout propos cette question inévitable. C’est le souci de la pensée publique, c’est le tourment des hommes d’état, et de telles inquiétudes expliquent trop bien les hésitations apparentes que l’Europe pendant ces dernières années s’est crue en droit de reprocher à la monarchie des Habsbourg. Or de hardis spéculateurs offrent aujourd’hui à ce pays des tentations bien séduisantes. M. de Schwarzenberg et M. de Bruck avaient commencé la restauration des finances autrichiennes par la réforme de l’impôt, et l’abolition des privilèges féodaux de la Hongrie inaugurait sagement cette politique. Ce système de réformes, qui peut s’étendre encore, assure des avantages infaillibles ; il créera d’une manière lente, mais certaine, de précieuses ressources. Négligera-t-on une œuvre déjà si habilement conduite pour recueillir des bénéfices immédiats qui ne présenteraient pas les mêmes garanties de certitude et de durée ? Il est incontestable que les grands établissemens de crédit, les grandes entreprises industrielles pourraient combler provisoirement, pour une grande part du moins, le déficit du budget ; malgré des résultats si désirables, j’ai entendu les juges les plus expérimentés exprimer sur ce point de vives appréhensions. La fièvre d’activité qui a succédé en Autriche à un calme séculaire alarme de très bons esprits. Je consigne ici, en observateur impartial, des sentimens dont l’expression m’a frappé, et néanmoins, je le répète, ces inquiétudes dont je parle n’altéraient pas la confiance qu’inspire l’administration de M. de Bruck ; elles révèlent seulement les difficultés de toute nature que le ministre est chargé de résoudre.

Quoi qu’il en soit, cette crainte d’une précipitation aventureuse est un symptôme qui atteste d’une façon significative le changement radical de ce pays ; on n’aurait jamais cru, il y a huit ans, qu’il pût être nécessaire de lui conseiller la circonspection et la mesure. Est-ce assez pourtant de cette activité matérielle pour justifier la faveur que l’Autriche a reconquise en Allemagne ? Voici un des points les plus curieux et certainement les plus inattendus de cette transformation que j’ai signalée. Avant 1848, il n’y avait pas, à proprement parler, de littérature autrichienne. Il y avait des poètes éminens, un Grillparzer, un Nicolas Lenau, un Anastasius Grün, un Maurice Hartmann ; il y avait des savans illustres comme le baron de Hammer-Purgstall ;