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LE ROMAN POPULAIRE
ET
LE RÔLE DU ROMANESQUE
EN AMÉRIQUE

I. Ruth Hall, by Fanny Fern, 1 vol. in-12. — II. Rose Clark, by Fanny Fern ; 1 vol. in-12. London, Routledge 1856.

Il y a toujours dans tout siècle et dans tout pays deux littératures parfaitement distinctes, et qui fleurissent indépendantes l’une de l’autre. Il y a d’abord une littérature élevée, poétique ou profonde, qui exprime le degré d’idéal auquel l’âme humaine est arrivée, le degré de délicatesse auquel les sentimens du cœur sont parvenus, les tourmens et les susceptibilités qu’une culture supérieure inflige à la conscience, le beau rêve dans lequel se complaît l’imagination, les joies et les extases de l’intelligence s’étudiant à pénétrer l’énigme de l’univers. Il y a ensuite une littérature trouble, mélangée, complexe, pleine d’impurs alliages, — une littérature qui exprime l’idéal inférieur de l’époque, le rêve des imaginations vulgaires, les désirs grossiers du cœur, la poésie des appétits terrestres, l’ivresse des sensualités, les préjugés meurtriers des foules, les nudités cyniques des mœurs, en un mot la réalité crue, éclairée seulement ça et là de certains rayonnemens aux reflets blafards et tristes comme les lumières qu’engendre la putréfaction, ou qu’allument les procédés scientifiques modernes. L’une est la littérature sérieuse, celle qui survit au temps et au pays où elle a pris naissance ; la se-