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la nature, par un mécanisme naturel et non moins admirable, fait sortir des mêmes localités, avec les eaux thermales, de vraies mines de santé, non moins précieuses, que celles dont le produit s’évalue par millions tant pour les produits immédiats que pour les auxiliaires fournis à la puissance industrielle.

Si je parle de la chaleur centrale du globe à propos des eaux thermales, je m’attends qu’on va crier à la redite. Je prie cependant le lecteur de considérer qu’il n’en est point des notions de la science comme des créations de la poésie et de l’imagination. On a pu noter toutes les répétitions d’images et de vers entiers qu’Homère a laissé échapper dans ses vastes compositions. Chaque auteur a, pour ainsi dire, des mots, des expressions qu’il emploie de préférence, et qu’on a désignés sous le nom de mots ou d’idées parasites. Je n’ignore pas que La Bruyère regarde comme le signe d’un esprit vieillissant ces redites des mêmes idées et des mêmes anecdotes devant les mêmes personnes ; mais quand il s’agit des causes assignées par la science, il est impossible de ne pas invoquer plusieurs fois les mêmes principes de la physique du globe. Objectera-t-on à un mathématicien qu’il a tort de se servir fréquemment de l’indispensable théorème relatif au carré de l’hypoténuse, parce que ce principe géométrique a été trouvé par Pythagore cinq ou six siècles avant notre ère ?

Avant d’arriver toutefois aux questions de physique soulevées par les eaux minérales, j’ai à dire un mot des questions d’hygiène, à propos d’un livre qui passe en revue toutes les circonstances où les eaux diverses peuvent être utiles à la santé, et toutes les maladies que chacune est appelée à guérir ou à prévenir. L’influence du voyage, du site, de l’air de la contrée, de la société même, est prise en considération par l’auteur, qui, en vrai spécialiste, n’a épargné aucuns frais de voyages, d’observations, de consultations locales, de tableaux statistiques, pour connaître ce qu’on doit attendre des sources minérales de la France, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Suisse, de la Savoie et de l’Italie, en même temps qu’il a étudié les effets des bains de mer et de l’atmosphère maritime[1]. Les ingrédiens chimiques de chaque source,.sa chaleur plus ou moins grande, son emploi comme bains ou comme boisson, le traitement auxiliaire qui doit rendre efficace l’action des eaux sur l’organisme, la préparation au voyage, puis, au retour, la suite à donner au traitement local pour confirmer les résultats obtenus, tout est examiné avec les lumières propres à un observateur qui a vu lui-même, et avec les notions obtenues soigneusement des médecins de chaque localité et des auteurs qui ont traité le sujet en général. On connaît le vieux proverbe latin : Cave ab homine unius libri (ne vous compromettez pas avec un homme qui ne lit qu’un seul livre) ; on pourrait louer de même le docteur qui n’écrit qu’un seul livre. Dans la science comme dans l’industrie, la

  1. Après les considérations générales sur la nature et l’emploi des eaux, on trouve dans l’ouvrage de M. Constantin James la liste complète des eaux de France et des pays voisins, avec des descriptions topographiques et des gravures pittoresques qui donnent une idée ou un souvenir des localités médicales. Il y a là un travail considérable et profond ; il n’y manque pas même l’indication des voies qui conduisent à chaque source minérale. Les meilleures analyses chimiques sont citées dons ces utiles monographies.