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lac Elton, qui sont le résidu de vastes nappes d’eaux salées évaporées presque à siccité, sont horriblement salés. La Mer-Morte l’est non-seulement par le sel ordinaire de l’Océan, mais bien encore par d’autres substances salines, plus corrosives que le sel marin. On s’explique la grande concentration des eaux de cette mer par cette circonstance que son bassin est de plus de 400 mètres au-dessous des eaux de la Méditerranée, et que pour se réduire au niveau actuel, il a fallu que l’évaporation lui enlevât une couche fort épaisse d’eau de mer, laquelle, en abandonnant tous les sels qu’elle contenait, a laissé pour résidu une mer ou plutôt un fond de mer qui est un vrai mélange chimique très concentré. En un mot, l’eau n’y est qu’accessoire, et souvent même le fond est tapissé de plaques salines, Le lac Elton est encore un peu plus salé que la Mer-Morte, mais le sel en est pur et employable aux besoins de l’homme. L’exploitation de ce bassin constitue une source de richesse pour la Russie : plus de la moitié du sel qui se consomme dans ce vaste empire provient du lac Elton, et il est versé dans le commerce par la navigation remontante du Volga. Au reste, en comparant l’eau de mer et la quantité de sel qu’elle contient avec ce qu’en contiennent plusieurs sources minérales, de celles qu’on désigne sous le nom de sources salées, on en conclût que les eaux de l’Océan sont très fortement minérales. Aussi agissent-elles énergiquement sur l’organisation de plusieurs malades, soit à chaud, soit à froid, comme bains, mais jamais en breuvage.

La seconde classe d’eaux minérales, ce sont les eaux froides qui rapportent du sein de la terre une grande variété de substances chimiques, quoique jus qu’à présent du moins aucun des corps nouveaux trouvés par la chimie moderne n’ait eu pour origine l’analyse des eaux minérales. L’iode et le brome, qui ont été reconnus dans certaines sources, avaient déjà été découverts dans l’eau de mer par MM. Courtois et Balard. C’est du reste une voie ouverte encore aux analystes de précision que l’étude des produits singuliers de certaines sources minérales, tels par exemple que l’acide crénique, la barégine et la sulfuraire. J’ai reconnu aussi de singuliers dépôts dans les eaux des Pyrénées-Orientales. Toute la chimie des substances solubles que renferme le sein de la terrer est évidemment dans les eaux froides ou thermales qui nous en ramènent pour ainsi dire des échantillons. Jusqu’ici cette chimie, aussi bien que la chimie de l’atmosphère, des eaux et des continens antédiluviens, a peu appelé l’attention des corps savans et des travailleurs isolés. C’est là pourtant un beau sujet de spéculations et de recherches expérimentales. Qu’on se figure ce que devait être l’atmosphère de la terre dans les temps primitifs, où sa chaleur ne permettait pas aux eaux de reposer sur sa surface, et où mille substances métalliques, carbonifères, azotées hydrogénées, étaient à l’état volatil constant. Que de points curieux à éclaircir et combien doivent se tranquilliser les esprits inquiets qui nous engageraient naïvement avec Pline à laisser, par pure charité quelque chose à faire à la postérité !

Un autre titre des eaux thermales à l’attention des physiciens celui qui est le plus curieux à constater, c’est qu’on y peut voir des témoins irrécusables de la chaleur centrale de notre planète. Tout le monde sait maintenant que pour chaque profondeur de 30 mètres on trouve la terre plus chaude