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avait produit sur lui une impression semblable à celle qu’éprouverait un homme qu’on tirerait d’une caverne ténébreuse, humide et mal saine, pour le faire jouir du spectacle d’une belle nature et du grand soleil.

Le mérite de la Richesse des Nations, ainsi que son parfait à-propos alors, et je demande la permission d’ajouter aujourd’hui encore sur plus d’un point important, consistaient en ce que Smith y a appliqué, avec la solidité et la modération de son esprit étendu et observateur, à un ordre de faits spéciaux, mais considérables, — celui des faits économiques,— les grands principes du droit public moderne, ces nobles pensées de la liberté et d’une justice égale pour tous que l’Angleterre connaissait déjà, et que la France allait élever bien haut, comme un signe de ralliement et comme un fanal pour tous les peuples. Adam Smith a tracé dans la Richesse des Nations les règles fondamentales d’après lesquelles doivent être établies les relations entre les hommes, lorsqu’il s’agit de la production et de la distribution de la richesse, c’est-à-dire lorsqu’ils se livrent aux opérations diverses de l’industrie agricole et manufacturière ou du commerce. Il a indiqué la nature des rapports qui doivent exister entre les gouvernemens et les particuliers en matière d’intérêts positifs, c’est-à-dire en tout ce qui touche à l’industrie et en tout ce qui concerne les impôts. La science économique, telle que l’enseigne Adam Smith, assigne aux attributions de l’autorité, à l’égard de l’industrie, des limites que l’on ne peut transgresser sans causer du dommage à l’intérêt collectif de la société autant qu’aux intérêts privés, et sans commettre un excès de pouvoir, et en cela elle part exactement des mêmes principes en vertu desquels, d’une manière générale en politique, au-delà d’un certain point l’intervention du gouvernement est réprouvée sous la dénomination de despotisme. À ce titre, l’économie politique repousse le système réglementaire, c’est-à-dire le régime selon lequel l’autorité s’immiscerait à prescrire directement ou indirectement, dans la fabrication et la production, les méthodes à suivre ou les procédés à employer. Elle considère et traite l’esprit d’initiative individuelle librement manifesté comme un des principaux mobiles de la création de la richesse, sinon comme le principal, de même que la politique investit l’individu de droits étendus, lui ouvre une vaste sphère d’activité, et va jusqu’à lui déférer une part de souveraineté dans la gestion ou le contrôle des affaires publiques. L’économie politique consacre la liberté du travail, ou le libre exercice Les facultés de chacun dans le domaine de l’industrie, ou encore la concurrence, par la même raison d’après laquelle la politique reconnaît la liberté individuelle, la liberté de conscience et la liberté du domicile, à savoir que dans les sociétés modernes, par l’effet de la règle intérieure que l’éducation chrétienne a établie dans les consciences,