les fonds que laissait libres pour elle l’intervalle de ses achats en 5 pour 100, la trésorerie, qui avait négocié trente fois plus d’obligations que la caisse d’amortissement n’avait pu en racheter, avait perdu trente fois peut-être les 15 ou 20 pour 100 de profits d’escompte obtenus par cette caisse. Un tel calcul aurait dû n’échapper à personne ; il en arriva tout autrement.
« On ne voyait dans le système des obligations que le service qu’il avait rendu en créant une nouvelle monnaie, lorsque toutes les caisses publiques étaient épuisées, et en mettant les principaux revenus de l’année à la disposition du gouvernement, sous une forme qui les rendait disponibles avant même que l’année commençât. On oubliait qu’on ne parvenait jamais à en maintenir dans la circulation plus de 30 ou 40 millions, et qu’un si modique emprunt et quelques autres expédiens accessoires avaient coûté au trésor, pour la seule année 1800, plus de 20 millions de commission, intérêts et frais d’escompte, comme le prouve le compte imprimé de cette année, et que si l’on avait voulu réaliser cent cinquante millions d’obligations en un court délai, il aurait peut-être fallu perdre 30 pour 100. On faisait un grand honneur à la caisse d’amortissement de ses bénéfices d’escompte, qui ne devaient donner que des regrets et des inquiétudes[1]. »
Quoi qu’il en soit, le succès intrinsèque de la caisse d’amortissement appela sur M. Mollien l’attention du maître. Il y avait un autre motif pour qu’il en fût remarqué : Napoléon, naturellement porté vers les hommes probes et droits, les recherchait avec une sollicitude extrême pour la gestion des finances, la cause des opérations que la caisse d’amortissement avait à faire sur les fonds publics, M. Mollien n’avait pas manqué d’être assailli de prétendus amis, héritiers des doctrines qui avaient eu cours dans les antichambres du plus influent, mais du moins scrupuleux des membres du directoire, Barras. Ils lui rappelaient « qu’avant la révolution, M. Necker et M. de Calonne avaient ouvert à leurs amis cette carrière de fortune. » On lui prouvait que de pareils profits étaient fort licites ; on lui insinuait l’exemple de l’abbé d’Espagnac, alors célèbre, qui, en 1786, en moins de six mois, avait fait une fortune de 18 millions, qu’à la vérité il avait perdue en six jours. « Le compliment banal que je recevais partout, dit M. Mollien, même des hommes d’état qui, affectaient la morale la plus austère, était celui-ci : Vous êtes bien heureux d’avoir une place dans laquelle on peut légitimement faire la plus grande fortune de France[2]. » Éconduisant ces donneurs