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fût admis au bénéfice de l’escompte ; c’était une règle plus facile à décréter qu’à faire observer. La limite inférieure de quinze jours à courir fut supprimée. La faculté d’émettre des billets au porteur fut retirée à toutes autres associations à Paris. Le capital d’ailleurs fut accru et porté à 45 millions, ce qui permit de rattacher à la Banque les actionnaires des établissemens qu’on dépouillait de la faculté d’émettre des billets. Quant à la part qu’avait souscrite le gouvernement dans le capital de la Banque, déjà, avant le 24 germinal an XI, elle avait été réduite des neuf dixièmes.

Le premier consul avait du goût, c’était évident, pour son directeur général de la caisse d’amortissement. Il lui donna l’ordre de lui écrire tous les jours. Il prolongeait la conversation quand il l’avait fait venir, et un jour Joseph Bonaparte, qui avait attendu, et long temps, pour entrer chez son frère, que M. Mollien en fût sorti, dit à celui-ci en souriant « qu’on voyait bien que le premier consul le traitait comme un homme dont il voulait faire un ministre. » Bientôt le premier consul voulut porter les appointemens de M. Mollien à la moitié de ceux des ministres ; mais M. Mollien insista pour ne pas être mieux traité que les autres directeurs généraux.

Plus M. Mollien semblait gagner la confiance du premier consul, plus il était le point de mire de l’envie, qui est toujours active au près des souverains, et plus il portait ombrage à l’intrigue. Un des ministres, devant lequel le premier consul en disait du bien, avait renchéri par ces paroles perfides : « Tout Paris, général, lui rend la même justice que vous ; on dit qu’il est votre précepteur en finances. » Cette observation eut tout l’effet que l’auteur[1] s’en était promis : M. Mollien, qui était mandé chez le premier consul au moins une fois par semaine, cessa d’être l’objet de ces recherches. Il fut cinq mois sans être appelé. Au fond cependant le premier consul lui restait fort attaché. Ce refroidissement apparent est de la fin de l’an X.

Pour ne pas perdre la trace des événemens financiers qu’il est indispensable de suivre, lorsqu’on s’est proposé d’esquisser la vie d’un homme qui déjà occupait un emploi important dans les finances et qui allait devenir ministre dû trésor, il convient, avant d’aller plus loin, de noter une amélioration qui avait été introduite dans l’administration des finances vers l’époque où des rapports personnels s’établissaient entre le premier consul et M. Mollien. Pendant l’an VIII, on avait fait un bloc de toutes les ressources, tant ordinaires qu’extraordinaires, qu’il avait été possible de réunir, sans distinguer

  1. J’ai lieu de croire que c’était M. de Talleyrand, qui depuis montra une véritable amitié à M. Mollien.