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petit peuple commençait à obtenir en Grèce une prépondérance marquée aux dépens de Lacédémone et d’Athènes. Il y avait alors assez peu d’apparence qu’il parvînt jamais au trône ; pourtant, comme les successions n’étaient pas fort régulières dans son pays, qu’il semblait intelligent, résolu et disposé à mettre à profit les occasions, il fut dans la Béotie un personnage important. L’éducation qu’il reçut à Thèbes, chez un des principaux citoyens, fut celle des jeunes Grecs de bonne famille destinés à jouer un rôle dans leurs petites républiques. Philippe eut des maîtres d’éloquence et de philosophie. Je ne sais s’il avait beaucoup de goût pour ces études et si elles lui furent fort utiles ; mais ce qui eut une influence considérable sur toute sa carrière, c’est qu’il vécut pendant plusieurs années dans la familiarité de Pélopidas et d’Épaminondas, les deux plus grands hommes de guerre de leur temps. Le dernier avait fait dans la tactique une révolution que peu de gens avaient encore appréciée. Avant lui, deux armées s’abordaient en masse, où plus souvent bataillon contre bataillon. Une mêlée s’ensuivait, et la troupe qui s’en dégoûtait le plus vite prenait le parti de la retraite. Le courage, l’adresse, la force physique des soldats décidaient du sort des batailles. Placés au premier rang, les généraux payaient d’exemple et ne commandaient pas. Ëpaminondas imagina de manœuvrer. À la bataille de Leuctres, il porta sur un point de la ligne ennemie une force irrésistible l’enfonça, et les Lacédémoniens, malgré leur courage et leur ténacité, durent céder devant un adversaire qui, attaquant leurs corps l’un après l’autre, se trouvait supérieur en nombre par tout où l’on se battait. Les leçons d’Épaminondas ne furent pas perdues pour Philippe. Il avait vu de près l’organisation de la milice thébaine, et il se promit de l’imiter en la perfectionnant. Braves et solides, mais peu intelligent et dépourvus d’initiative, les Macédoniens étaient fort propres à combattre en masse compacte, inférieurs aux Grecs lorsqu’il s’agissait d’engagemens isolés, où chaque homme n’a pour se diriger que ses inspirations. Ce fut sur le principe de la phalange thébaine que Philippe conçut la fameuse phalange macédonienne, espèce de rocher mouvant, qui, une fois lancé, devait tout renverser sur son passage. Jusqu’à la formation de la légion romaine, la phalange fut invincible.

De retour dans son pays, Philippe se fit donner le commandement d’un petit corps de troupes qu’il disciplina, qu’il instruisit à sa guise, et qu’il eut bientôt aguerri dans des escarmouches continuelles avec les barbares voisins de la Macédoine. Déjà il avait obtenu des succès, et s’était fait une réputation militaire, lorsque son frère, le roi Perdiccas, mourût, laissant pour héritier du trône un fils encore au berceau. Philippe fut nommé régent, et l’on ne tarda pas à reconnaître