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là, ils n’eurent qu’à pousser une porte pour se trouver dans la campagne. Par un détour, ils rejoignirent la route à une lieue du village. Sir John les attendait à la porte d’une ferme. Une berline de voyage était attelée dans la cour. Sir John remercia vivement le geôlier et lui remit un portefeuille. — Vous êtes un galant homme, dit le geôlier en comptant les billets de banque. En voilà cinq qui n’étaient pas dans le marché. Maintenant partons. — Il ouvrit la portière, et s’installa tranquillement dans la voiture à côté de miss Sarah. On ne put jamais le faire descendre. Cette fuite du geôlier compliquait de beaucoup l’évasion et ne rentrait nullement dans les combinaisons de sir John; mais quoi qu’il fît, prières, menaces, argent, l’Anglais ne put se débarrasser de ce compagnon de voyage, et sir John dut monter sur le siège. A quelques lieues de là seulement, le geôlier consentit à changer de place avec lui. On voyagea toute la nuit sans encombres. Sir John s’était endormi, laissant au geôlier la direction du voyage, et convaincu qu’on ne serait jamais pris avec un homme qui montrait une telle horreur pour les prisons. Le docteur Girolet était parti la veille pour Sesto-Calende, afin de faire viser d’avance les passeports. On devait s’embarquer sur le Lac-Majeur, et le docteur s’était chargé de tous les préparatifs du départ. A midi, on devait le rencontrer sur la route. Au relai de midi, on fut très surpris de ne pas le voir arriver. La raison en était fort simple : on était à une quinzaine de lieues du rendez-vous fixé. Le geôlier était originaire de la Valteline, et, pour se rapprocher de son pays, il avait changé de route : depuis le matin, on marchait dans la direction de Chiasso. En descendant de voiture, il donna toutes ces explications à sir John. On n’était qu’à trois heures de la frontière suisse, et c’eût été folie de courir à vingt lieues en arrière à la recherche du docteur Girolet. Il fut décidé qu’on risquerait le passage par Laglio avec les vieux passeports.

Miss Sarah était très effrayée de cette tentative; elle voulait à toute force qu’on déguisât Maxime; elle faillit tout perdre avec ces surcroîts de précautions théâtrales. Au dernier relai, tout s’était très bien passé. Sir John était descendu avec une grande assurance au bureau de la seconde ligne des douanes avant qu’on vînt lui demander ses papiers, il avait présenté hardiment ses vieux passeports, et le chef du poste y avait apposé ses visats de confiance sans les lire. On arriva à la première ligne des douanes. Par malheur, l’officier de service était absent, et le poste était commandé par un brigadier qui voulut faire du zèle et se donner de l’importance; il prit les passeports pour les examiner méthodiquement. Comme il était vieux et peu lettré, il lisait péniblement ces grandes feuilles toutes constellées de sceaux et de signatures hiéroglyphiques, et ses grands