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— En avant! cria sir John. Les chevaux se dressèrent, le brigadier voulut les saisir à la bride, mais tout aussitôt deux canons de pistolet s’abaissèrent sur ses yeux; il tomba à la renverse. — En avant! cria sir John. Evviva l’Italia! Il se pencha de côté et fit feu des deux mains; Maxime et le valet de pied l’imitèrent. Ces huit coups de feu tirés de très près mirent trois des douaniers hors de combat; le passage était forcé, et les chevaux s’emportèrent au galop. La troupe de la seconde ligne fit feu, mais la berline venait de tourner la rue, et ce furent les gens de la première ligne qui reçurent la fusillade. Les plus agiles se lancèrent en tirailleurs à la poursuite des fugitifs, et pendant cinq minutes on entendit sur la route un feu de peloton très vif.

Aux premières détonations, miss Sarah s’était trouvée mal; elle tomba en syncope lorsqu’elle vit Olivia prendre des pistolets dans le caisson et rabattre les coussins qu’on avait placés aux glaces. L’intrépide Olivia se penchait à la portière pour présenter une seconde paire de pistolets à sir John; les balles sifflaient et ricochaient sur le chemin. — C’est inutile, lui dit sir John, la bataille est gagnée : tout ce bruit ne prouve rien. Ce tir est très mal dirigé; ils n’ont pas calculé que la route monte un peu, et les balles qui portent jusqu’ici hachent les herbes ou viennent s’aplatir dans nos roues. En moins d’une heure, nous aurons passé la frontière.


III.

Miss Sarah retrouva ses esprits lorsqu’on fut arrivé sur le territoire suisse. Elle tendit les mains à Maxime et s’écria avec exaltation : Ah! nous l’avons sauvé!

Sir John gardait le silence; tout à coup il dit à Maxime avec la brusquerie la plus affectueuse : — Savez-vous bien que je vous ai appelé mon fils pendant cette bagarre! Ai je menti?

Et sans attendre la réponse de Maxime, il interrogeait la physionomie d’Olivia. Olivia était toute rayonnante de joie; miss Sarah rougissait et baissait les yeux comme si on l’eût demandée en mariage.

A Capo di Lago, on s’embarqua, et de Lugano on écrivit au docteur Girolet qu’on l’attendrait toute la semaine dans le Tessin. Le docteur arriva en toute hâte, et l’on partit pour Genève. Le mariage fut célébré dans les premiers jours de septembre. Miss Sarah fut la seule personne qui hasarda quelques objections à propos de ce mariage si précipité, non qu’elle fût devenue hostile à Maxime : loin de là, tous les jours elle l’aimait plus passionnément; mais ce brusque dénoûment détruisait tout le roman qu’elle avait imaginé.