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9 000 livres sterl. que le parlement votait depuis tant d’années, il les eût obtenues sans effort et sans bruit ; mais la situation de l’Irlande et ses propres rapports avec ce malheureux pays le préoccupaient chaque jour plus fortement : il voulait poursuivre l’œuvre de l’émancipation des catholiques et faire vers eux un pas nouveau qui leur inspirât confiance en lui et espoir dans l’avenir. L’occasion lui semblait favorable : condamné le 12 février 1844 par le jury de Dublin, M. O’Connell, à raison d’un vertueux scrupule de forme et de jurisprudence, avait été acquitté le 4 septembre suivant par la chambre des lords, sans aucune réclamation du cabinet, et sur l’insistance même de l’un des ministres, lord Wharncliffe. Surpris et charmé de cette délivrance inattendue, O’Connell, tout en continuant, contre le cabinet et pour le rappel de l’union, ses déclamations bruyantes, était dans son cœur moins violent et peu empressé de pousser à fond la lutte ; autour de lui d’ailleurs, et en réalité contre lui, un nouveau parti s’était formé, le parti de la Jeune Irlande, qui se méfiait de la secrète modération du vieux chef, lui reprochait sa manie de légalité, l’accusait d’éluder tout acte décisif, et travaillait à le supplanter dans sa popularité et dans son pouvoir. Au milieu de ces hésitations et de ces discussions des meneurs irlandais, il parut à Peel qu’un grand acte de bienveillance envers l’Irlande avait chance d’y être bien accueilli, et le 3 avril 1845, prenant la parole dans la chambre des communes : « J’ai annoncé, dit-il, dans le cours de la session dernière, que le gouvernement de sa majesté se proposait de prendre en considération l’état de l’éducation académique[1] en Irlande, et que le collège catholique romain de Maynooth serait compris dans cet examen ; j’ai ajouté que notre dessein était d’y procéder dans un esprit de bienveillance pour cet établissement, et j’ai fait cette déclaration dès cette époque pour qu’on eût partout connaissance des intentions du gouvernement de sa majesté. Je m’attendais dès-lors à la manifestation d’opinion qui se fait aujourd’hui par les pétitions qu’on vient de présenter. Je ne pouvais me rappeler les débats qui avaient eu lieu dans cette chambre au sujet du collège de Maynooth sans prévoir que la proposition d’étendre cet établissement serait en butte à une vive opposition, soutenue par les sentimens religieux et les scrupules consciencieux d’un grand nombre de personnes dont l’incontestable sincérité a droit à tout notre respect. Dans cette prévoyance et en présence de difficultés que nous ne nous sommes point dissimulées, mais qui ne nous ont pas détournés de notre dessein, nous avons cru de notre devoir de ne pas les aggraver encore en donnant lieu

  1. C’est-à-dire des études classiques et supérieures.