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portun engagement de nos prédécesseurs, nous le respecterons, nous continuerons de vous donner avec humeur 9 000 livres sterling par an ; mais vos bâtimens ne seront point réparés, les salaires de vos professeurs n’augmenteront jamais, nous laisserons subsister les statuts du parlement, mais avec le sentiment que nous manquons à notre conscience, et nous ne vous donnerons rien que pour acquitter une odieuse dette contractée par d’autres, et à laquelle nous ne pouvons nous soustraire. — Ai-je tort de dire qu’il n’y a point de conduite qui ne soit préférable à celle-là ?

« Avouerons-nous que nos scrupules de conscience sont si blessés du système actuel, que nous voulons rompre avec Maynooth tout rapport, et renvoyer au peuple irlandais seul le fardeau d’élever ses prêtres ? Il y a, je le sais, des personnes qui pensent que c’est là le parti à prendre, et pour moi, si je ne tiens compte ni de la fidélité aux engagemens, ni des sentimens d’humeur et d’irritation que vous exciterez en répudiant ainsi votre vote, je n’hésite pas à dire que ce parti vaudrait mieux que la continuation de votre misérable don ; mais pensez-y bien : à quelle époque vos rapports avec le collège de Maynooth ont-ils commencé ? Sous le pouvoir de qui ? Depuis combien d’années dure le vote du parlement ? Vous avez commencé en 1795. Le souverain régnant était George III ; le premier ministre, M. Pitt. C’était une époque critique que l’année 1795. Vous étiez engagés alors dans une lutte formidable contre un puissant et menaçant voisin. Le lord lieutenant d’Irlande, lord Fitzwilliam, recommandait au parlement irlandais l’éducation de toutes les classes de fidèles sujets de sa majesté. Le successeur de lord Fitzwilliam, lord Camden, posait la première pierre du collège de Maynooth, et en remerciant le parlement de sa libéralité, il se félicitait de voir commencer ainsi au sein de la patrie l’éducation du clergé catholique… Êtes-vous prêts à déclarer aux catholiques : — Depuis un demi-siècle, nous sommes dans l’erreur, nous manquons à notre conscience ; nous voulons revenir à ses lois, nous rompons le lien que depuis un demi-siècle nous avions contracté avec vous ? — Souvenez-vous qu’à l’époque où ce lien fut contracté, les catholiques étaient frappés d’incapacités qui les excluaient du parlement, et qui n’empêchèrent pourtant pas qu’il ne votât pour eux ce don. Ces incapacités ont disparu ; les catholiques jouissent maintenant des mêmes droits civils que nous. Irez-vous leur dire : — Nous ne pouvons faire pour vous ce qu’a fait un parlement exclusivement protestant, nous sentons des scrupules de conscience qu’il ne sentait pas, nous rompons le lien qu’il avait formé avec vous aux jours du péril ? — Je vous en conjure, ne faites pas une telle démarche. Ce n’est pas le don refusé qui me préoccupe, c’est l’esprit qui se révélerait dans le