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refus. Nous ne persuaderions jamais à ceux à qui vous l’adresseriez que les scrupules que n’ont ressentis ni George III, ni M. Pitt, ni un parlement exclusivement protestant, nous possèdent aujourd’hui au point de nous faire répudier leurs engagemens. Et en vérité je regretterais amèrement, non pour les catholiques, mais pour l’intérêt général de notre société, que nous, qui repoussons les doctrines de l’église romaine, nous, qui professons une foi que nous croyons plus pure, et à laquelle nous sommes dévoués, nous nous crussions obligés de déclarer que nous ne pouvons en aucune manière venir en aide à des croyances qui ne sont pas les nôtres. Si nous faisons cette déclaration, quelle leçon nous donnerons aux propriétaires irlandais ! En voici un qui vit peut-être loin de cette terre dont il tire un grand revenu : ce sont des fermiers catholiques qui l’habitent, des laboureurs catholiques qui la cultivent ; faudra-t-il que je lui dise, au nom du parlement, que s’il voit ses tenanciers dépourvus d’instruction religieuse, dépourvus de consolations religieuses, dépourvus d’un lieu de prière où ils puissent se réunir pour adorer leur Créateur, il violera, lui, son devoir envers Dieu, s’il leur donne une petite part de la richesse que lui vaut cette terre pour leur procurer cette instruction, ces consolations, ce culte public, de la seule manière dont ils en puissent jouir ? … S’il est impossible que ce propriétaire pense et agisse ainsi, si cette conséquence de votre résolution n’est pas soutenable, j’en ai fini avec deux des conduites que nous pouvons tenir, avec le rejet de tout don à Maynooth aussi bien qu’avec le maintien pur et simple du don actuel, et une seule voie nous reste, celle que nous sommes prêts à suivre. Nous sommes prêts, dans un esprit libéral et confiant, à développer le collège de Maynooth en l’améliorant, en élevant le caractère de l’éducation qu’on y donne, en pourvoyant mieux au sort des maîtres qui la donnent. Nous croyons que nous pouvons proposer cela, et vous demander pour cela votre assentiment sans violer aucun devoir, aucun scrupule religieux. Nous croyons qu’il est pour nous parfaitement compatible de tenir fermement à notre propre foi, et en même temps de perfectionner l’éducation et d’élever le caractère des hommes qui, après tout, quoi que vous fassiez, et soit que vous adoptiez ou que vous rejetiez cette mesure, seront toujours les guides spirituels et les instructeurs religieux de plusieurs millions de vos concitoyens. »

Ce langage si franc, ces questions si nettement posées, agrandirent et simplifièrent en même temps le débat. Il s’engagea sur-le-champ, tour à tour triste ou violent, grave ou ironique, selon que tels ou tels des adversaires de Peel prenaient la parole. Il en avait de très divers : les protestans ardens et immobiles, dont sa proposition blessait la conscience, ou irritait les passions, ou choquait les