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aujourd’hui mon devoir… Il m’est impossible de ne pas dire que l’honorable baronet à la tête du gouvernement a coutume, quand il est dans l’opposition, d’appeler à son service des passions pour lesquelles il ne ressent aucune sympathie, et des préjugés auxquels il porte un profond mépris. Quand il arrive au pouvoir, un changement salutaire pour le pays s’opère soudain ; ses instrumens sont rejetés, l’échelle par laquelle il est monté est renversée. Cet exemple-ci n’est pas le seul, et je suis forcé de dire que l’honorable baronet se fait de cette conduite une sorte de système. C’est assez pour un homme de changer ainsi une fois… Voilà ce que je pense de la conduite du ministère. Est-ce à dire que je doive suivre le conseil de l’honorable représentant de Shrewsbury (M. Disraeli), et voter contre le bill ? Non, certes : le sort du bill et du ministère est, je le sais, dans nos mains, mais le spectacle d’inconséquence que donne le banc des ministres fera déjà assez de mal ; ce mal serait infiniment aggravé si la même inconséquence éclatait de ce côté-ci de la chambre… Nous n’aurions plus alors sous les yeux qu’un vaste naufrage de tous les caractères publics dans le royaume. En dépit donc de bien des sacrifices qu’aucun homme ne prend plaisir à faire, et en réprimant bien des sentimens qui grondent en moi, je suis décidé à donner à ce bill mon plus ferme appui. »

Hors des chambres, dans le pays, par les pétitions, les meetings et les journaux, les attaques, soit contre la mesure, soit contre Peel lui-même, étaient encore bien plus violentes. Les pétitions arrivaient par milliers, portant plus d’un million de signatures. « C’est haute trahison envers le ciel, disaient-elles, que d’appliquer les revenus d’un peuple protestant à l’éducation d’un clergé catholique. — Autant vaudrait fonder un collège pour la propagation du vol et de l’adultère. — Celui qui consent au don pour Maynooth adore la bête, blasphème contre Dieu, est en guerre avec les saints et crucifie de nouveau notre Sauveur. » — « Le premier ministre, disaient les journaux, a pour ses compatriotes autant de sympathie et de respect que le chasseur pour le daim, le pêcheur pour la truite, le boucher pour les agneaux qu’il égorge. — Peel est une nouveauté, il a inventé le gouvernement par déception. — C’est le Maroto du parti conservateur. — La discussion l’a dépouillé de ses derniers vêtemens ; la décence publique voudrait que désormais il se cachât. » C’était surtout des sectes dissidentes que partaient ces emportemens fanatiques, sous des formes quelquefois cyniques. L’église anglicane se montrait en général plus douce pour les catholiques et plus respectueuse envers le pouvoir. Dans la chambre des lords, un archevêque et cinq évêques votèrent pour le bill, et l’archevêque de Dublin, le docteur Whately, le défendit avec une éloquence à la fois pressante et