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« Deux maux appellent notre attention. Le premier est la maladie des pommes de terre, qui affecte gravement plusieurs parties de l’Angleterre et de l’Écosse, et fait en Irlande des ravages effroyables.

« On ne connaît pas bien encore l’étendue de ce mal ; chaque semaine révèle dans certains lieux des désastres inattendus, ou diminue ailleurs des alarmes excessives. Cependant il y a dans cette mauvaise récolte-là un mal particulier. Le premier effet d’une mauvaise récolte en blé est de diminuer les arrivages sur les marchés et d’élever les prix. De là résultent une diminution dans la consommation et un commencement de rareté qui ont cet effet que l’approvisionnement total se distribue plus également sur toute l’année, et qu’en définitive la souffrance est adoucie. Mais la crainte de voir éclater dans leurs pommes de terre cette maladie inconnue précipite les producteurs sur le marché, en sorte que nous avons à la fois une consommation rapide et une disette imminente, la rareté de la denrée et la vileté du prix, La souffrance publique en est fort accrue. Le mal dont il s’agit peut provenir ou de la mauvaise saison, ou d’une altération mystérieuse de la plante, ou d’un défaut soit de science, soit de soin dans la culture. Dans aucune hypothèse, le gouvernement n’est à accuser de la mauvaise récolte des pommes de terre, pas plus qu’il ne mérite des éloges pour les abondantes moissons dont nous avons joui naguère.

« Mais un autre mal, dont nous souffrons, est le fruit de la conduite des ministres et des lois du parlement. C’est la conséquence directe d’un acte voté il y a trois ans sur la proposition des conseillers actuels de la couronne. Par cette loi, l’importation des grains de toute sorte a été soumise à des droits très considérables. Ces droits sont combinés de telle sorte que plus la qualité du blé est inférieure, plus le droit est élevé ; quand le bon froment monte à 70 shellings le quarter, le prix moyen de toutes les espèces de froment est de 57 ou 58 shellings, et le droit de 14 ou 15 shellings. Ainsi le baromètre du blé marque le beau temps quand le vaisseau se courbe tous la tempête.

« Les écrivains qui ont traité de la législation des grains ont signalé depuis longtemps ce vice, sur lequel on avait appelé l’attention de la chambre quand elle délibérait sur cet acte.

« J’avoue que, sur ce sujet en général, mes idées ont subi, dans le cours de vingt ans, une grande modification. J’étais d’avis que le blé devait faire exception aux règles générales de l’économie politique ; l’observation et l’expérience m’ont convaincu qu’il faut s’abstenir de toute intervention dans la question des subsistances. Ni le gouvernement, ni la législature ne peuvent régler le marché des grains aussi heureusement que le fait la complète liberté de vendre et d’acheter.

« Je me suis efforcé pendant plusieurs années d’amener un compromis à ce sujet. En 1839, j’ai voté pour que la chambre, formée en comité, substituât un droit fixe modéré à l’échelle mobile. En 1841, j’ai annoncé l’intention où était le gouvernement d’alors de proposer un droit fixe de 8 shellings le quarter. Dans la session dernière, j’ai proposé un droit un peu moindre.

« Ces propositions ont été successivement rejetées. Le premier lord actuel