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monarchie, d’une aristocratie fière et d’un corps électoral réformé. J’ai fait tout ce que j’ai pu, tout ce que j’ai cru conforme à la vraie politique conservatrice pour faire marcher ensemble ces trois élémens de l’état. J’ai cru qu’il était conforme à la vraie politique conservatrice de répandre parmi le peuple assez de satisfaction et de bonheur pour que la voix de la désaffection ne se fît plus entendre et pour bannir les pensées d’attaque à nos institutions. C’était là mon but en acceptant le pouvoir, fardeau trop grand pour ma force physique et bien au-dessus de mes forces intellectuelles ; en être honorablement déchargé serait le plus grand bienfait que je pusse recevoir. Tant que l’honneur et le devoir me le commanderont, je serai prêt à porter ce fardeau, mais je ne le subirai pas avec une autorité mutilée et garrottée ; je ne resterai pas au gouvernail pendant des nuits de tempête, comme celles que j’ai vues, s’il n’est pas permis au vaisseau de suivre la direction que je croirai devoir lui imprimer. Je ne me chargerai pas de le diriger aujourd’hui d’après des observations faites en 1842… Je ne demande point à être ministre d’Angleterre ; mais tant que j’aurai l’honneur d’occuper ce noble office, je ne l’occuperai point à titre servile ; je ne le garderai qu’autant que nulle autre obligation ne me sera imposée que celle de consulter l’intérêt public et de pourvoir à la sûreté de l’état. »

Ce sont là, de la part de sir Robert Peel, les traces les plus saillantes d’émotion personnelle que je rencontre dans ce débat. Le 16 février, après avoir pendant plusieurs heures défendu sa mesure dans tous les détails et sous tous les aspects, avec une habileté consommée, au moment de se rasseoir, il s’abandonna à d’autres émotions plus désintéressées et plus grandes : « Cette nuit prononcera, dit-il, entre le progrès vers la liberté et le retour à la prohibition ; vous choisirez cette nuit la devise où se manifestera la politique commerciale de l’Angleterre ; sera-ce : « Avance » ou « recule ? » Lequel des deux mots convient le mieux à ce grand empire ? Considérez notre position, les avantages que nous ont accordés Dieu et la nature, la destinée qui nous attend. Nous sommes placés à l’extrémité de l’Europe occidentale, comme le principal anneau qui lie l’ancien au nouveau monde. Les découvertes de la science et les perfectionnemens de la navigation nous ont mis à dix jours de Saint-Pétersbourg et nous mettront bientôt à dix jours de New-York. Une étendue de côtes plus grande, en proportion de notre population et de la superficie de notre sol, que n’en possède aucune autre nation, nous assure la force et la supériorité maritime. Le fer et le charbon, ces nerfs de l’industrie, donnent à nos manufactures de grands avantages sur celles de nos rivaux. Notre capital surpasse celui dont ils peuvent disposer. En invention, en habileté, en énergie, nous ne