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son berceau prédestiné à la gloire, appelé sans doute par la volonté divine à la régénération de l’école espagnole. L’affirmation de son biographe ne laisse aucun doute à cet égard. Que fût-il arrivé si le père de don Federico, agissant avec plus de prudence, eût choisi pour le baptême de son fils un parrain catholique? La Providence eût révélé ses grands desseins sur don Federico par quelque autre prodige. Il ne m’appartient pas de deviner ce qu’elle aurait pu faire, et d’ailleurs ce qui s’est passé à Saint-Pierre de Rome le 12 février 1815 nous dispense de toute conjecture. Ce qui importe, c’est de bien peser les paroles que je viens de rapporter, d’en pénétrer le sens intime. Puisque la Providence avait de grands desseins sur don Federico, puisqu’elle les a clairement manifestés par la conversion d’un prince protestant, il est évident qu’on ne peut sans témérité, sans folie, tenter de juger ses ouvrages d’après les lois ordinaires de la peinture. S’il paraît se tromper en traçant un contour, s’il a l’air de choisir des couleurs trop éclatantes, il ne faut pas nous laisser abuser par une première impression. Le plus sage est de nous défier du témoignage de nos sens, de récuser nos yeux, de nous tenir en garde contre les conclusions imprudentes qu’une raison téméraire pourrait nous suggérer. — Il s’agit d’une œuvre humaine, et l’homme est sujet à l’erreur, répondront les esprits forts; pourquoi donc ne pas l’estimer d’après les lois acceptées dans toutes les grandes écoles de peinture? — Que le biographe de don Federico ne m’attribue pas cette étrange réponse. Je la transcris en la désavouant, et je comprends trop bien le sens fatidique de l’événement qui s’est accompli à Saint-Pierre de Rome le 12 février 1815 pour ne pas sentir le néant d’un tel argument. Les incrédules auront beau dire: les œuvres de don Federico ne sont pas des œuvres purement humaines, puisqu’elles sont conçues, composées, exécutées par un peintre prédestiné. Ce peintre, sachez-le bien, ne relève d’aucune école. S’il ne ressemble ni à Velasquez ni à Murillo malgré son dévouement absolu à la gloire de sa patrie, s’il n’emprunte rien à l’Italie, s’il comprend la chair autrement que Rubens, la lumière et l’ombre autrement que Rembrandt, il a d’excellentes raisons pour cela, car il ne relève que de la Providence, et j’ai presque tort de dire que ses œuvres sont conçues, composées, exécutées par lui. Conception, composition, exécution, tout est révélé aux peintres prédestinés : comment donc la discussion pourrait-elle les atteindre? De quel droit les écrivains qui n’ont fréquenté que les galeries et les ateliers viendraient-ils leur demander compte de la méthode qu’ils suivent, du but qu’ils se proposent, des modèles qu’ils préfèrent? Autant de questions, autant de paroles jetées au vent. Que le biographe de don Federico reçoive donc ici nos remerciemens. Les