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Florence et Venise, je croyais savoir où finit la puissance expressive de la peinture; je me trompais. Don Federico a reculé les limites de son art. Il y a quelques années, nous avons vu au Louvre un portrait de Beethoven composant sa symp4onie en la. Tous les esprits forts se sont récriés en lisant cette mention inscrite au livret. Ils ont prétendu que ni les yeux ni les lèvres ne pouvaient désigner le ton d’une symphonie. Le prodige réalisé par don Federico nous emporte bien loin de ces chicanes puériles. Ln regard en la, un sourire en ta sont peut-être difficiles à concevoir; mais on ose à peine en parler après avoir lu la description du tableau miraculeux de don Federico. La peinture est désormais affranchie, elle peut traiter librement les sujets les plus complexes. Qu’on ne vienne plus nous dire qu’elle est condamnée à choisir dans une scène historique ou poétique un seul moment, à réunir tous ses efforts pour la représentation de ce moment! Des affirmations si téméraires, si étourdies, ne sont permises qu’à ceux qui n’ont pas lu la biographie de don Federico par M. Ochoa, son beau-frère. Non, la peinture n’est pas condamnée à ne choisir qu’un seul moment dans une action donnée : elle marche de pair avec la parole et peut tout aborder. Toutes les écoles s’évanouissent devant le prodige qui nous est signalé par le biographe de don Federico. Je comprends maintenant, hélas! je comprends trop tard pourquoi don Federico a dédaigné d’imiter Murillo et Velasquez. Beaux modèles vraiment pour un peintre prédestiné! Velasquez et Murillo ont-ils jamais rien conçu, rien inventé qui se puisse comparer au médecin immortalisé par la plume de M. Ochoa? Réduits à l’emploi de facultés purement humaines, tantôt ils se sont efforcés de copier ce qu’ils voyaient; tantôt, prenant un essor plus hardi, ils ont essayé d’agrandir les modèles placés devant leurs yeux. Leur tâche, qui passait depuis longtemps pour glorieuse, n’est plus maintenant qu’une tâche mesquine. Parlons franchement; n’essayons pas d’atténuer la vérité dans la crainte de déranger les opinions accréditées. Velasquez et Murillo, comparés à don Federico, ne sont vraiment que des pygmées. Les esprits vulgaires peuvent seuls s’obstiner à les traiter de grands. Nous savons désormais ce qu’ils valent, nous les avons mesurés; don Federico a plus de talent dans son petit doigt que Velasquez et Murillo réunis. On aura beau citer l’histoire et dire que le tableau décrit par M. Ochoa dépasse les limites assignées à la peinture, on ne réussira pas à détruire l’effet de cette merveilleuse biographie. L’Espagne tout entière a vu le médecin de sa majesté Ferdinand VII exprimer la tristesse d’un sujet dévoué, la curiosité du savant, le sentiment d’une immense responsabilité! L’Espagne tout entière ne s’est pas trompée en s’associant à l’admiration de M. Ochoa. Toutes les classes