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parthénogenèse. Dans cet ordre d’idées, les bourgeons, bulbilles, etc., apparaissent comme une sorte de progéniture de l’œuf primitif, comme composés en partie de la substance de cet œuf, comme étant au moins de même nature. Ce sont pour ainsi dire autant de véritables œufs, seulement ils ont été fécondés d’avance. Or la femelle seule produit des œufs. Au fond, les scolex sont donc de ce sexe, et dès lors ; on peut leur attribuer une sorte de virginité. En ramenant ainsi à un fait fondamental unique tous les modes de reproduction, M. Owen simplifie d’ailleurs toutes les questions, embrasse et coordonne une masse considérable de faits épars, et met en lumière des rapports jusque-là inaperçus.

Malgré tous ces avantages, malgré la juste autorité du nom de l’auteur, la doctrine de M. Owen n’a conquis, croyons-nous, que peu de partisans, et ce résultat est facile à comprendre. Sans parler de tout ce qu’elle emprunte à la doctrine cellulaire de Schwann, dont, à certains égards, elle n’est qu’une application nouvelle, cette théorie repose en entier sur quelques hypothèses que les faits n’ont pas confirmées. La disparition de la vésicule germinative avant toute fécondation a été constatée par une foule d’observateurs, aussi bien chez les mammifères que chez la hermelle et le taret[1]. Or ce fait est en contradiction absolue avec les idées de M. Owen ; il frappe la théorie que nous combattons précisément à son point de départ. En outre, depuis la publication de l’ouvrage de Schwann, bien des naturalistes ont démontré que les segmens du vitellus pendant le framboisement ne sont nullement des cellules. Les observations que j’ai publiées à peu près au moment où paraissait la Parthénogenèse, et qui ont été confirmées plus tard, ont montré que le framboisement était une manifestation de la vie propre de l’œuf, que l’élément mâle ne faisait pas naître ces singuliers mouvemens, mais seulement les régularisait. Dès lors il est difficile d’admettre la force spéciale invoquée par M. Owen, au moins telle qu’il la comprend. Ajoutons que l’accumulation de cette force dans une cellule germinative primaire, son affaiblissement, son épuisement, par suite de la multiplication des cellules, sont autant d’hypothèses, ingénieuses sans doute, mais qui nous semblent n’avoir pour elles ni expériences, ni observations bien précises[2]. Tout au contraire, le fait que la reproduction

  1. Voyez la première partie de cette étude, Revue des deux Mondes, 1er avril 1855.
  2. M. Owen cite à l’appui de ses idées le fait que les pattes d’écrevisse ne se reproduisent pas indistinctement à toutes les jointures, mais seulement à l’une d’elles où se trouve un tissu cellulaire spécial qu’il regarde comme un reste de sa masse cellulaire germinative encore imprégnée de la puissance prolifique. Sans insister sur la ressemblance de cette explication avec celles qu’on a reprochées à Bonnet, je ferai remarquer que c’est un peu juger la question par la question, puisqu’il faudrait démontrer d’abord que la nature de ce tissu reproducteur est bien ce qu’admet l’auteur. M. Owen assure encore que les bourgeons dans l’hydre ne poussent que sur un point déterminé, mais M. Laurent, qui a fait de cet animal l’objet d’études poursuivies pendant plusieurs années, a montré qu’il peut se former des bourgeons sur tout le corps, à peu près comme dans un végétal on voit des bourgeons adventifs paraître sur tous les points de l’écorce, et cela presque par les mêmes raisons.