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M. Leuckart. « L’état de nourrice, disait l’auteur danois, diffère totalement de l’état de larve. La chenille se transforme elle-même en papillon. Au contraire, jamais le scyphistoma ne devient aurélie. »

La justesse de ce raisonnement est d’autant plus facile à saisir, que souvent chez le même animal nous constatons successivement les deux phénomènes, celui de la métamorphose et celui de la généagénèse. Chez les méduses par exemple, après que l’œuf est devenu par transformation une larve ciliée, celle-ci se change en scyphistoma par métamorphose ; la généagénèse intervient pour produire les strobila, dont les proglottis s’isolent d’abord sous la forme d’éphyres et se métamorphosent ensuite en aurélies. Ici donc la larve ciliée peut être considérée comme la larve du scyphistoma, l’éphyre comme la larve de l’aurélie. Chez les helminthes appelés distomes, la complication du phénomène est bien plus grande, et nous trouvons à la fois les trois modes du développement et les trois phases de la métamorphose proprement dite. L’œuf donne par transformation une larve ciliée, qui, par généagénèse, produit un sporocyste, lequel acquiert ses formes définitives par métamorphose. À la généagénèse doit être rapportée la multiplication par bourgeons des sporocystes eux-mêmes et des cercaires. Ces dernières sont les vraies larves des distomes futurs, et, quand elles perdent leurs queues, s’enkistent et restent immobiles, que font-elles, sinon dépasser à l’état de nymphes à la façon des stratiomes ? Quand enfin elles sortent de cet état de torpeur sous la forme de distome, n’est-ce pas par une véritable métamorphose, comparable à tous égards à celle d’où résulte l’insecte parfait ?

Bien loin que la généagénèse ne soit qu’un cas particulier de la métamorphose, les faits que nous révèle la première ne tendent à rien moins qu’à modifier quelques-unes des idées les plus universellement acceptées et qu’avait confirmées la seconde. Certes, s’il y a eu jusqu’ici quelque chose d’admis, c’est que le fils est le produit direct du parent ; c’est que l’individualité persiste dans le germe, de la naissance jusqu’à la mort. Tant que la reproduction par bourgeons a été regardée comme un fait aussi primordial que la reproduction par œuf, ces idées s’appliquaient également à l’une et à l’autre ; les métamorphoses ne changeaient non plus rien à cet égard. Dans un papillon, quelque nombreux et complets que soient les changemens de structure et de facultés, l’animal reste un ; l’individualité se maintient. Par conséquent, pour être passé par les états de chenille et de chrysalide, le papillon n’en est pas moins le produit direct du germe contenu dans l’œuf ; il n’en est pas moins le fils immédiat de ses père et