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considérables étaient prêts pour l’union clés pays de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale. Seulement, tant que les lignes allemandes ne se continuaient pas avec les lignes françaises, la situation nouvelle ne pouvait pas se dessiner nettement. En vain un premier élan avait été donné, en vain quelques étapes avaient été franchies, on n’apercevait que de loin une lueur poindre à l’horizon. Tout en indiquant une tendance, les faits accomplis ne suffisaient pas pour en déterminer la portée future. Il restait à compléter les ressorts essentiels du vaste mécanisme; il restait à en opérer l’assemblage. De plus, dans cette première période, le mouvement de chaque pays vers le dehors avait procédé d’impulsions vagues purement instinctives, et n’avait produit que des œuvres partielles. La pensée était loin d’embrasser ces longues lignes qui apparaissent aujourd’hui avec un aspect si tranché. Les artères où commence à circuler et où circulera de plus en plus la sève qui vivifie le corps européen sont donc composées de sections déterminées par l’intérêt particulier de chaque état. Les nations ne se sont mises à réfléchir sur le nouvel élément destiné à transformer leurs relations que du jour où elles se sont rencontrées à leurs frontières. Étrange circonstance! c’est le plus souvent auprès de ces mêmes places fortes où l’on vit si longtemps se produire leurs sanglantes querelles que devait s’opérer leur rapprochement.

Durant la seconde période, qui se continue sous nos yeux depuis 1851, la tendance des peuples éclate au grand jour. On marche au but avec une résolution réfléchie et une persévérance invariable. Tandis que s’ouvrait alors pour la France une phase de prodigieux développemens, les autres pays paraissaient obéir à la même impulsion. Le mouvement est devenu tellement irrésistible, qu’il n’est pas même suspendu par la guerre. Il répond si bien aux aspirations intimes du siècle, qu’il triomphe des appréhensions suscitées par une lutte aujourd’hui glorieusement terminée, mais qui pouvait embraser le monde. Non-seulement l’œuvre ne s’arrête pas, elle gagne encore du terrain. N’est-ce pas au commencement de 1855, n’est-ce pas au plus fort des hostilités, que l’empereur d’Autriche concède à une compagnie française le groupe des chemins dont la ligne principale, passant par Pesth, en Hongrie, doit toucher au Bas-Danube sur les frontières de l’empire ottoman? N’est-ce pas dans le même temps qu’on travaille à rapprocher Vienne de Paris au moyen des prolongemens entrepris par l’Autriche et par la Bavière, de Vienne et de Munich vers Salzbourg[1]? Mêmes tendances vers le nord de

  1. Ainsi sera complétée la ligne directe qui mettra Vienne à trente-huit heures de Paris. Aujourd’hui, pour se rendre à Vienne, on ne remonte plus, comme au début, jusqu’à Berlin, mais on est encore obligé de prendre, soit par le chemin du Nord et par Cologne, soit par Nancy, Metz, Mannheim, Francfort, Weimar et Leipzig. On peut seulement raccourcir le trajet de quelques kilomètres en se servant des chemins bavarois.