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mille, que de 132 voyageurs contre 868 de deuxième et de troisième classes.

Le but des compagnies est manifeste : contraindre les voyageurs qui veulent jouir du principal avantage des chemins de fer à subir le chiffre le plus élevé du tarif. C’est là une manière très effective, quoique indirecte, d’exhausser les tarifs. Un tel système pèse très durement sur la partie du public pour laquelle le temps est le plus précieux. À coup sûr, ce n’est pas très humain, mais au moins est-ce licite ? On pourrait soutenir qu’une telle distinction est absolument illégitime. Nul doute que les entreprises ordinaires de transport n’aient le droit de créer de pareilles différences, puisqu’elles n’ont été dotées d’aucun monopole ; mais dans des exploitations comme celles des chemins de fer, dont le privilège est la base, la vitesse n’est-elle pas l’avantage qui représente le plus directement pour tous les citoyens le prix du sacrifice imposé à chacun d’eux ? Il faudrait donc que cet avantage de la vitesse fût accessible à tous, et pour cela qu’il y eût des places de toute classe dans tous les trains. Demander la rigoureuse application de cette règle, ce ne serait pas demander une chose impossible ou insolite. En France même, quelques lignes n’admettent aucune distinction dans la composition des convois : nous citerons les lignes de Paris à Caen, de Dijon à Besançon, de Paris à Saint-Germain, à Versailles, etc. Hors de France, les exemples ne manquent pas non plus : sur le chemin international d’Anvers à Rotterdam, sur celui de Rotterdam à La Haye et à Amsterdam, etc., tous les trains ont des voitures des trois classes. Aux États-Unis, le principe est appliqué sans exception, puisqu’on n’y rencontre pas de voitures de plusieurs ordres. Ce qui est praticable sur certains chemins pourrait l’être sur tous. Si même les trains privilégiés existent sur un grand nombre de lignes européennes, en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, ils y existent à une autre condition que chez nous : les compagnies font payer les places beaucoup plus cher dans ces convois de luxe. Quoiqu’un tel système soit vicieux, il peut en résulter du moins une sorte de compensation dont le principe manque sur les chemins français.

Les compagnies, on n’en saurait douter, seront amenées tout naturellement à transformer peu à peu leurs habitudes sur ce point essentiel ; aussi ne s’agit-il pas de réclamer le renversement immédiat de la pratique actuellement suivie. Dans des questions de cette nature, un changement trop hâtif aurait ses périls. En admettant qu’on n’impose pas tout d’un coup aux chemins de fer l’application du principe de l’égalité devant la vitesse, au moins faut-il déclarer qu’il est urgent de faire disparaître des distinctions aussi exagérées que les distinctions existantes. Est-on trop exigeant quand on demande que la différence de vitesse entre les trains express et les