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conciliable avec la vitalité des compagnies peut et doit être réclamée ; tout changement qui devrait avoir pour effet d’énerver leur action est inadmissible.

Ceci nous oblige, avant d’aller plus loin, à nous rendre compte de la constitution des sociétés exploitantes et de l’étendue de leurs forces. Avons-nous affaire à des corps épuisés et languissans ou bien à des agrégations énergiques et vigoureuses ? Si nos compagnies étaient faibles, ce ne serait pas aux conditions légales de leur organisation qu’il faudrait s’en prendre. Rien n’a été épargné pour les constituer solidement. Quand il a fallu raviver chez nous l’esprit d’entreprise, abattu par la crise de 1848, et regagner l’avance que d’autres peuples avaient sur la France, l’état ne s’est pas montré avare d’encouragemens. Désireux de prévenir le retour de ces concurrences frénétiques qui avaient jadis paralysé les compagnies dès leur naissance, il a remanié les dispositions légales antérieurement adoptées dans un sens des plus favorables à l’esprit d’association. Dire qu’il s’est montré trop bienveillant pour les compagnies, ce serait méconnaître et la grandeur des intérêts qu’il fallait servir, et l’importance d’une action immédiate ; mais sa politique à l’égard des sociétés particulières a été aussi libérale que possible. La durée des concessions a été portée, de 35, 40 ou 50 ans, à un terme uniforme de 99 ans ; la garantie d’intérêt a été largement mise en pratique ; on y a joint parfois des subventions directes, tantôt en argent, tantôt en travaux, plus souvent en argent. On a en outre autorisé fréquemment, soit la fusion de plusieurs compagnies en une seule, soit l’émission d’emprunts considérables.

Voilà des avantages sérieux et multipliés. La prolongation des concessions, en donnant aux compagnies du temps pour reconstituer leur capital et pour jouir de leur privilège, était de nature à leur assurer le concours des grands et petits capitalistes. La garantie d’intérêt consentie par l’état visait d’une manière plus directe encore à inspirer de la confiance sur l’avenir des placemens effectués dans les chemins de fer. La subvention du trésor prêtait assistance à certaines entreprises qui, en raison de circonstances particulières, étaient hors d’état de se suffire à elles-mêmes. C’est ainsi que la compagnie du Midi, dont les travaux présentaient des difficultés extrêmes, a reçu 51 millions de francs[1].

Si l’on considère maintenant les fusions opérées, on trouve que presque toutes les compagnies existant aujourd’hui ont puisé dans

  1. Ce mode d’encouragement ne pouvait être et n’a été qu’exceptionnel. Aussi, dans un rapport sur la situation générale des chemins de fer, en date du 2 février 1854, M. Magne, alors ministre des travaux publics, a-t-il pu dire que les subventions directes n’avaient atteint qu’un chiffre minime relativement à l’ensemble des travaux autorisés.