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nouvel individu, n’est d’abord qu’une simple accumulation de matière organisante, placée sur un point de la partie commune, sans cesse accrue par le tourbillon vital, et que la vie façonne pour en faire un végétal ou un animal.

Dans le plus grand nombre des cas, le bourgeon développé sur la coryne devient un polype sans organes sexuels, mais muni de longs tentacules et d’un ample appareil digestif. Impropre à la reproduction, il est uniquement chargé de guetter, de saisir, de digérer toute proie qui passera à portée de ses bras. Les sucs nutritifs ainsi préparés tombent dans un système de canaux qui les portent d’abord dans le pied du polypier, puis à chacun des individus réunis sur ce pied. Le polype dont nous parlons est donc employé seulement à nourrir la colonie. Les choses se passent exactement de même sur le rosier. Le plus souvent le bourgeon devient un rameau garni de feuilles. Or celles-ci ont pour fonctions de puiser dans l’atmosphère divers matériaux gazeux, et principalement l’acide carbonique, de les mêler, à une sève liquide qui vient des racines à travers le tronc et les branches, d’élaborer ce mélange et d’en faire un suc nutritif qui, revenant en sens inverse, va alimenter le tronc lui-même et toutes ses ramifications. Les feuilles sont donc essentiellement les organes d’absorption, d’exhalation, de respiration, d’élaboration, et le rameau, qui ne porte pas autre chose, ne saurait remplir que des fonctions de nutrition. Sur le rosier comme sur la coryne, nous trouvons donc des individus exclusivement nourriciers.

À un moment donné, il naît sur la coryne des bourgeons d’abord tout semblables aux précédens, mais qui deviennent des polypes bien différens de ceux dont nous venons de parler. Ces nouveaux venus n’ont plus de bras, plus de bouche : leur appareil digestif est tout à fait rudimentaire. En revanche, ils sont pourvus d’organes qu’à leurs produits on reconnaît pour des organes sexuels. Isolés, ces polypes périraient bientôt faute d’alimentation ; mais nourris par leurs frères, ils croissent et se développent pour propager l’espèce. À cela se borne le rôle qui leur est dévolu ; ce sont autant d’individus reproducteurs. Il en est exactement de même pour le rosier. Un certain nombre de bourgeons, au lieu de se transformer en rameaux, donnent naissance à des fleurs. Les feuilles, profondément modifiées et revêtues de fonctions plus nobles, se changent en sépales et en pétales pour former le calice et la corolle, en étamines, en pistils, qui représentent les deux sexes réunis dans la rose comme ils le sont chez un si grand nombre d’animaux. Ainsi métamorphosé, le rameau ne saurait se nourrir lui-même : il tombe à la charge de la colonie, dont en revanche il assure la propagation ; il est devenu lui