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avant tout d’empêcher les compagnies de substituer dans la pratique l’exception à la règle.

En ce qui concerne les marchandises, on nous permettra de formuler le vœu que l’autorité intervienne et agisse peu à peu, afin de ménager la simplification des tarifs actuels, qui sont trop compliqués. L’expéditeur se perd dans les distinctions faites. Cette première simplification préparerait les voies à une autre non moins désirable, je veux parler de la similitude des taxes sur toutes les lignes. Aujourd’hui tel article avantageusement classé par une compagnie est traité de la manière la plus dure par une autre. Il en résulte qu’un expéditeur dont les envois circulent sur plusieurs chemins sait difficilement à quoi s’en tenir sur le prix total du transport. Le jour viendra peut-être où ces réformes pourront s’étendre aux lignes internationales et affermir l’intimité des rapports entre les peuples.

On objecte parfois que l’intervention de l’état porte atteinte au principe de la liberté de l’industrie. La liberté de l’industrie! mais pour que les compagnies de chemin de fer pussent invoquer ce principe, il faudrait qu’on pût le mettre en pratique contre elles. Or ne constituent-elles pas des entreprises privilégiées et avec lesquelles toute concurrence est impossible? L’état tient de la nature même des choses un rôle qu’il ne saurait abdiquer, et qui consiste à protéger le droit de tous contre les exagérations du monopole. C’est le mérite du système légal qui régit nos chemins de fer d’avoir en toute occasion consacré ces principes. Sans doute, dans l’exercice des attributions de l’état, une scrupuleuse réserve est commandée; il faut que les compagnies puissent prendre conseil de leur situation particulière, il faut même qu’elles jouissent de quelque tolérance, mais à la condition que les erreurs ou les âpres calculs ne feront point obstinément échec à l’intérêt de tous. Le public et l’état ont une cause identique en face des associations privées. L’état ne fait que représenter le public. C’est le devoir des compagnies de s’efforcer de mettre leur action journalière en constante harmonie avec des principes dont l’évidence est absolument incontestable. C’est aussi leur intérêt, car plus elles accroîtront la masse des services rendus, et plus en définitive elles élargiront la source de leurs bénéfices.

Le jour n’est peut-être pas loin où l’on ne se bornera pas à croire que la haute surveillance de l’état est indispensable dans l’intérêt du public, mais où l’on y cherchera aussi une garantie pour cette masse immense d’intérêts — divisés, sous formes d’actions, entre des milliers d’individus. Chacun le sait : il n’y a point de contrôle effectif de la part des actionnaires sur les opérations qui les concernent; les assemblées générales sont impuissantes à l’exercer. Quand même la